jeudi 24 mai 2018

La vieillesse en débat au café radical !

Annie DE VIVIE a écrit  j'aide mon parent à vieillir debout.
Elle est l'invitée du café radical et répondra à la question
"Le vieillissement de notre société est-il une chance ?"

On n'échappe pas au vieillissement !
Non seulement parce que vivre, c'est vieillir, et qu'il faut bien le reconnaître, vieillir, c'est vivre. Il n'y a que la mort pour échapper à la vieillesse.
Ainsi, nos sociétés modernes nous permettent de vivre de plus en plus vieux et ont-elles ainsi répondu à cette aspiration essentielle des êtres humains : vivre. 
Voilà pour l'aspect positif. 
Pour le reste, nous sommes envahis par les nombreux problèmes qui touchent à la vieillesse et que nous découvrons. 
Individuellement d'abord. 
Alors que l'image du vieillard était vénéré, comme un bien rare, de plus en plus nombreux sont les centenaires et les vieillards font de plus en plus partie de la vie des familles. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, 5 générations sont appelées à se côtoyer. C'est un fait de plus en plus prégnant. On est ainsi passé en France de 8,3 millions  à 11 millions d'aidants de 2008 à 2015. Certes, les aidants, qui sont majoritairement des aidantes, n'aident pas seulement des personnes âgées mais aussi des handicapés ou des personnes en difficulté mais on sait que cette augmentation est essentiellement due au vieillissement de nos sociétés. En fait, s'il n'est pas le seul problème celui des aidants est essentiel, par ce que tous les aidants sont appelés à devenir aidés au fil du temps.
L'ouvrage de Christophe Capuano
 au titre provoquant retrace l'Histoire
de la prise en charge du vieillissement.
Vous pouvez réécouter l'émission que 
 France inter lui a consacré en cliquant 
Mais ce n'est pas tout. Le vieillissement touche à tout notre édifice social, démographique, bien entendu, politique et économique. Au sein de nos sociétés modernes, tout un chacun est appelé à vivre autrement, et la société elle-même est appelée à se transformer ... puisqu'après tout il n'est de société qu'humaine. 
Ainsi, les essais, les dossiers, les rapports s'accumulent parallèlement aux cris d'alertes qui émaillent l'actualité. Depuis la mort de 20.000 anciens en France lors de la canicule de 2003 (70.000 en Europe), les alertes se multiplient tant par le manque de moyen évoqué par les Ehpad, des phénomènes de maltraitance provoquant avec justesse l'indignation, de la réflexion aussi posée avec courage par l'association du droit de mourir dans la dignité, tout pousse à repenser la façon dont nous devons évoluer dans nos relations entre générations. 

Mais noircir la situation n'est pas source de solution. Le café radical a invité l'experte Annie de Vivie, pdg et éditorialiste du site agevillage, meilleur site de France consacré aux problèmes du vieilissement. Comme toutes les grandes humanistes, elle est capable de poser brutalement les questions, comme lors de son dernier éditorial : comment vivre en n'étant qu'une charge ... Mais la qualité essentielle de la réflexion d'Annie de Vivie est qu'elle s'appuie sur l'expérience pratique, puisque fille d'aide soignante, elle a passé toute son existence en se confrontant aux problématiques de l'âge ... et, comme on disait dans Charlie Hebdo : ce n'est pas triste, et c'est même passionnant. Tout simplement sans doute, parce que parler du vieillissement c'est parler de la vie, et parler de la vie, c'est parler de soi.
L'ouvrage de référence qu'Annie de Vivie
dédicacera à la fin du café radical.
Des conseils pratiques, mais au delà une
réflexion profonde sur l'évolution de nos  
sociétés et de notre rapport aux anciens
Je n'en dirais pas plus. 
Je vous invite à présent à réserver votre soirée du 1er juin pour débattre avec Annie de Vivie, sur ce sujet qui, par nature, nous concerne tous. 
Le vieillissement de nos sociétés est-il une chance 
Café radical animé par Annie de Vivie
Vendredi 1er juin 2018
à 18 h 30 O bouche à oreilles (ex Rocambole pour les vieux lovériens), 4 boulevard Joffre, 27400 Louviers.

mercredi 16 mai 2018

La droite dans l'impasse de la récupération

Irrécupérable Ernest Martin,
rebelle constructif, 
passionné de la vie,
passionné de sa ville. 
La droite de Priollaud-Terlez peut toujours essayer de compenser son manque d'imagination en tentant de récupérer quelque chose des années prodigieuses de la gauche lovérienne. C'est peine perdue ! Dans les pratiques, dans l'histoire, dans l'attitude, dans les valeurs, tout oppose le comité d'action de gauche personnalisé par le Docteur Marin aux élus à la triste figure qui représentent la municipalité de Louviers.
Certes, inviter Hélène Hatzfeld à présenter son livre La politique à la ville n'est pas en soi condamnable, au même titre que la décision de Jean-Charles Houel[1] de faire donation à la ville de Louviers de ses riches archives de témoin de l'histoire locale. Mais quel besoin de se lancer dans une vaine et grossière tentative de récupération dans laquelle le maire de Louviers a emmené toute son équipe ?
Dérisoire Priollaud qui s'imagine pouvoir récupérer
quelque chose de l'oeuvre d'Ernest Martin. 
La municipalité actuelle est l'exact contraire de ce qu'a été la gauche lovérienne. Elle est la droite conservatrice des petits calculs, sans imagination et prétentieuse. Elle est l'héritière de ceux qui se sont violemment opposés à Ernest Martin et à ceux qui l'ont accompagné.
Grâce à eux, Louviers a été au centre de toutes les attentions d'une gauche nationale en recherche d'innovation. Le Cag pour se faire s'est aussi construit contre cette droite fermée que Priollaud-Terlez représentent.
Que ceux-ci, maintenant, tentent sans vergogne de se présenter comme attentif à cette période qu'ils ne se donnent même pas les moyens de comprendre a de quoi scandaliser. 
Christian Lafenêtre, qui fut un militant et un élu particulièrement actif a contré violemment Priollaud. Le maire de Louviers avait pompeusement introduit la cérémonie en parlant des lovériens comme des administrés. 
Bravo Christian d'avoir rappelé que pour le Cag il n'y avait que des citoyens, dont il fallait développer l'autonomie, le contraire d'administrés à la sauce Priollaud.
Après tout, l'incongruité de la cérémonie se révélait aussi dans la mobilisation de la droite chargée de rendre hommage au Cag. A part Hafidha Ouadah, il ne manquait pas grand monde de ce côté là, ce qui ne faisait qu'en rajouter au ridicule.
Anne Terlez, forcément s'est aussi cru obligée de mettre son grain de sel. Au bout d'une tirade assez longue elle se demandait ce que sa droite bien-pensant pouvait tirer de la formidable expérience de la gauche en terme de démocratie participative. 
La réponse est simple : RIEN ! 
Ce que la gauche lovérienne a légué à la ville c'est d'abord une mobilisation inouïe, une mobilisation historique dans un moment de débat, de passion de la vérité dans une époque passionnée avec tous les excès inhérents à la passion. 
Il y avait tout dans le comité d'action de gauche qui recueillait tout ce qui se pensait, vrai ou faux, juste ou injuste dans une période où toutes les idées se confrontées ... mais ce qu'il y avait d'original à Louviers, c'était leur mise en pratique.
Au delà de la figure de l'homme, j'ai évoqué à la suite de son décès, tout ce qu'Ernest Martin a légué à la ville. Il était le lien entre la sensibilité aux idées et la mise en pratique de celles-ci. 
La période dans laquelle le cag se construira dans l'opposition de 1969 à 1976, se situe non seulement dans le sillage de mai 68 mais aussi dans la période de libéralisation de la société française. En 1975, la loi sur l'avortement est adoptée à la suite d'un long combat féministe mené notamment par la gauche et que la droite giscardienne fera voter. 

Cela se traduit à Louviers par la création d'un centre d'orthogénie, où, derrière la pratique de l'avortement, Ernest Martin développera une démarche novatrice d'accueil et de pédagogie destinée tant aux femmes en difficulté qu'aux personnes chargées de les soutenir et de les accompagner. La pratique n'est pas unique, mais elle est rare. Elle amène une réflexion collective visant à l'épanouissement de l'individu alors qu'on sort à peine d'une période où la sexualité a été un tabou majeur dans la société. 
Bien sûr, Ernest Martin, en tant que médecin, sera l'homme des accouchements, et de l'accouchement sans violence. C'est un autre aspect de la personnalité du Docteur Martin et je ne puis m'empêcher de penser que pour démocratique que soit sa démarche, pointe toujours l'expert derrière l'individu... d'où sans doute une certaine défiance exprimée vis à vis de l'expression populaire qui ne saurait être une fin en soi surtout si elle s'oppose au projet du politique.
Ah ! Le politique, le noble politique qu'Ernest Martin opposait sans cesse à La politique, la vulgaire politique.
Or c'est bien la politique dans ce qu'elle a de plus vulgaire qui s'est chargé de cette tentative de récupération heureusement vouée à l'échec. 
Non, cet amour de la liberté, la politique comme passion collective, la confiance absolue en l'humain, l'espérance du lendemain comme fête, la référence à tout ce qui dans l'Histoire a construit l'émancipation des individus et des corps, toute cette modernité ne peut avoir aucune résonance chez les représentants lovériens de l'Udi, du modem et des Républicains. Ils n'ont rien à récupérer dans l'histoire prestigieuse de la gauche à Louviers. 





[1] Jean-Charles Houel est un témoin majeur de la période qui a porté la gauche lovérienne des années 65 à 1983, sujet du livre d’Hélène Hatzfeld. Il a été rédacteur municipal pendant la municipalité Martin avant de devenir journaliste à La Dépêche de Louviers qui a accompagné l’aventure si particulière de la gauche lovérienne. Jean-Charles Houel a éprouvé le besoin de se doter du titre de Rédacteur en chef qu’il n’a jamais eu, mais cela ne retire rien à l’intérêt et à la qualité des archives militantes et professionnelles qu’il a laissé à la ville de Louviers et qui sont d’un intérêt majeur pour l’histoire de la ville.    

dimanche 6 mai 2018

LOUVIERS, BEAUCOUP MIEUX QU'UN ESPOIR DÉÇU ...

critique du livre d'Hélène Hatzfeld 

LA POLITIQUE À LA VILLE 

Hélène Hatzfeld (photo Paris Normandie) sera présente
à 20h30 lundi 14 mai au Moulin à Louviers pour parler
de son livre et de notre histoire.
Il faut lire le livre d'Hélène Hatzfeld. Même si, par principe, je réfute ce type de formule, je le redis : il faut lire le livre d'Hélène Hatzfeld. Il faut le lire parce que les livres sur Louviers ne sont pas si courants, et ceux sur l'histoire si particulière de la gauche lovérienne le sont encore moins. 
L'ouvrage a ses limites, et ne le cache pas. Hélène Hatzfeld est nostalgique, elle met du sentiment dans l'Histoire, ce qui l'anime en détermine aussi les limites. Ainsi, lorsqu'elle arrive à Louviers près de 30 ans après la fin de ce qu'elle pense être l'expérience autogestionnaire elle se trouve face au vide. Il n'y a dans la ville ni trace évidente, ni enthousiasme sur cette période. 
Elle voulait parler autogestion, échanger avec des nostalgiques et, finalement, elle rencontre essentiellement les cicatrices enfouies sous le manteau de la maturité politique. 
L'autogestion n'a eu qu'un rôle mineur à Louviers. Elle a servi de référence idéologique à un mouvement qui avait peu de choses à voir avec elle. L'autogestion est un terme flou, il l'était déjà à l'époque. Il a cependant eu son utilité en permettant de réfléchir à gauche à la création d'un monde alternatif, respectueux de l'individu, du rapport de l'homme à sa production, et permettant d'agir concrètement. Le choix des ouvriers de Lip, décidant de produire eux-mêmes les montres alors que l'entreprise était en train de fermer ouvrait de nouvelles perspectives politiques et sociales. La Cfdt suivait nationalement l'initiative locale, le Parti socialiste unifié, dirigé alors par Michel Rocard s'engouffrait dans la brèche et jusqu'au parti socialiste en phase de construction d'un programme commun de la gauche trouvait l'idée intéressante.
Voilà pour le contexte général dans la société française... mais il reste à expliquer le succès idéologique de l'autogestion à Louviers. 

Il n'y a qu'à Louviers !

Hélène Hatzfeld dit très bien ce que le phénomène a d'exceptionnel à Louviers. Les seules communes de France à se revendiquer autogestionnaires ou sur une base alternative au programme commun de la gauche, font moins de 5.000 habitants et ne peuvent servir d'exemple. Qui plus est Louviers a toujours cette particularité géographique indissociable de son histoire de se situer à 100 kilomètres de la capitale. La ville a tout ce qu'il faut de proximité et d'exotisme politique pour intéresser une intelligentsia parisienne, intérêt matérialisé par les journalistes du Nouvel Observateur, porteurs de ce qu'on appelle alors la deuxième gauche. 
C'est vrai que cette deuxième gauche qui englobe au lendemain de mai 68 les aspirations nouvelles de la société. Pour faire vite, le besoin de reconnaissance de l'individu se construit parallèlement à une action politique collective. Cela passe par le droit à la parole, la prise en compte du désir, le respect du plaisir, tout ce que la fameuse société de consommation va d'ailleurs reprendre à son compte au fil des ans. En attendant, la deuxième gauche sent bien que les partis traditionnels, y compris à gauche ont une structure trop rigides pour répondre à cette attente. En fait, la Cfdt (qui vient juste de naître des flancs de l'ancienne Cftc) et le Psu sont les outils nationaux qui reflètent ces aspirations). 
Tout ceci explique d'ailleurs qu'aux yeux des observateurs extérieurs que le psu soit la référence politique de l'équipe qui s'apprête à reprendre le pouvoir à Louviers. C'est faux.
Ça, Hélène Hatzfeld l'a bien perçu. Elle voit bien qu'au sein de l'équipe, le psu en tant que tel n'a que peu d'influence. Le parti n'a que trois représentants au sein du Comité d'action de gauche, mais ceux-ci ne sont jamais écoutés en tant que tels. Ils accompagnent l'expérience, mais ils ne sont pas une force d'influence et n'interviennent pas comme groupe constitué au sein des débats. On touche là au fond à ce qui rend la ville si difficile à comprendre pour l'extérieur. À Louviers on est dans un autre monde. Hélène Hatzfeld fait d'ailleurs cette erreur en tentant une comptabilité des influences qui ont fondé la mouvance lovérienne. C'est peine perdue. Louviers a subi des influences, peut-être et sans doute plus que d'autres groupes humains, mais tout ce qui a tenté de s'organiser pour prendre le dessus s'est trouvé écarté soi par les faits, soi par les acteurs du mouvement.    

Ernest, le génie ou le génie d'Ernest

Au fond, par quelque bout qu'on prenne l'histoire de Louviers, et surtout dans la période traitée, on retombe toujours sur Ernest Martin. Cela peut sembler étrange vu de l'extérieur puisqu'Ernest a laissé sa place de maire à Henri Fromentin, héros de la Résistance et chef d'entreprise. Hélène Hatzfeld ne s'est pas penchée sur ce sujet. Pour ma part, je considère que c'est un grand manque à tout point de vue.
Mai 68 est une remise en cause profonde du rapport au pouvoir. Il y a des héros, des vedettes charismatiques, mais aucun ne prend le pouvoir, puisque mai 68 ne se traduit pas par une prise de pouvoir.
Or, si en mai 68 le docteur Martin a le pouvoir en tant que maire de Louviers, il le perd quelques mois plus tard, à la suite de la décision du parti communiste de l'éliminer. C'est de là que naît le Comité d'action de gauche, un rassemblement chargé à l'origine de permettre une reprise du pouvoir et de poursuivre l'œuvre déjà immense de la municipalité Martin.
Tant pis si le pouvoir passe à la droite. Il n'empêche, en faisant cela la gauche lovérienne est contrainte d'exister en dehors de la gauche nationale. Il est ainsi logique que le parti socialiste naissant qui privilégie l'alliance nationale avec les communistes ne soit pas une option politique locale. 
Il restera donc au cag à forger un projet politique qui lui permettra de reprendre la mairie, ainsi Louviers deviendra-t-il le réceptacle des courants novateurs  d'une société française en effervescence à la suite de mai 68. Ainsi s'explique à mon sens la nette victoire de 1977, qui permettra à Louviers de devenir pour beaucoup la première commune autogestionnaire de France avec 27 élus sur 27, reléguant la liste d'union de la gauche en spectateur de l'histoire locale au même titre d'ailleurs que la droite.
Mais tout ceci ne règle ni n'explique la situation d'Ernest Martin, élu premier adjoint de la liste du comité d'action de gauche. 
Comme on l'a dit, et notamment Hélène Hatzfeld, Ernest Martin, le thaumaturge, celui sans qui rien n'aurait existé à Louviers, n'est pas autogestionnaire. Il se revendique anarchiste. Il le revendique encore davantage au sein d'une municipalité où les reproches sont de plus en plus nombreux à son égard. 
Et que lui reproche-t-on à Ernest ? Qu'est ce qui fait qu'on va gentiment lui demander de ne se présenter qu'en deuxième de liste derrière la figure plus raisonnable d'Henri Fromentin ? Au départ sans doute l'idée électoraliste que derrière la figure sulfureuse du docteur qui défend le droit des femmes et notamment le droit à l'avortement alors sévèrement réprimé en France, on a peur de la réaction négative de l'électorat. Reste que derrière cette attitude frileuse se cache bien entendu la peur de la personnalité d'Ernest, de ses audaces et de ses coups de gueule ... et la mise sous éteignoir du projet ernestien. 
Bien sûr, cela n'a pas empêché la naissance et la reprise des aspects les plus originaux de la municipalité. Il y a eu la gratuité des services publics, la création du service famille (évoqué dans le livre mais qui vaut beaucoup plus qu'une simple mention y compris dans ce blog), la naissance des terrains d'aventure pour la jeunesse lovérienne, l'ouverture des cinémas au moment où tous fermaient en France et dans le reste de l'Europe ... mais, en fait, ce qui touchait au projet autogestionnaire s'est écroulé de lui-même. Il y a un exemple qui n'est pas repris dans le livre et qui me semble tout à fait emblématique des difficultés municipales. 
Autour d'un projet scolaire, de nombreux membres de l'équipe municipale vont dans un louable souci de communication discuter avec les parents de leurs attentes pour l'école. Il en ressort naturellement que les parents souhaitent en tout premier lieu que leurs petits soient protégés et qu'à cet effet des murs ou des murets soient prévus. 
Retour du compte rendu de la réunion en municipalité et colère d'Ernest qui s'insurge contre les décisions réactionnaires des parents. Il faut veiller d'abord à l'épanouissement des petits avant leur sécurité. Crise !
En fait, Ernest, même si cela est dit et redit dans le livre, Ernest donc agit comme un médecin accoucheur. Dans un accouchement, il n'y a pas de place pour la démocratie participative. Il y a un médecin qui a le pouvoir, et qui, s'il s'en sert bien parera à tous les dangers, amènera la vie dans le respect de l'enfant, de la femme et de l'acte. Le fait d'avoir voulu reléguer Ernest dans un rôle second allait bien au delà de la castration d'un personnage privé de pouvoir, il a sans doute atténué l'originalité de l'expérience lovérienne en empêchant qu'elle aille au bout de sa logique et nui à la qualité de l'analyse qu'on peut en avoir à présent. Pour ma part, je reste persuadé que si Ernest avait été en situation de responsabilité, l'expérience aurait été jusqu'au bout et aurait pu être renouvelée sur un autre mandat. Bien sûr cette uchronie ne mange pas de pain mais elle a pourtant un sens qui peut amener à réfléchir sur la réalité du pouvoir, y compris lorsqu'on dénie à celui-ci une existence.
Ainsi Ernest a-t-il souffert de cette absence de pouvoir, pour partie inassumée et derrière elle tout une mouvance et tout un groupe. L'absence de pouvoir est comme la lettre volée d'Egar Poe, cet objet que tout le monde recherche et que personne ne voit parce qu'elle est sous les yeux de tout le monde mais que chacun a un intérêt à ne pas la voir. Il n'empêche, aucune critique, aucune analyse ne pourra retirer le bilan extraordinaire des municipalités auxquelles le Docteur Martin a participé. 
Louviers, et sa formule beaucoup plus
prémonitoire qu'il n'y parait même si
le Docteur Martin lui préférait la formule
"information, participation, contrôle"

Loin des écoles, loin des partis, loin de tout, Ernest par son seul génie fait de Louviers une avant-garde de tout ce qui se fera plus tard : le pouvoir communal, la prise en compte des individus, l'exigence vis à vis des pouvoirs publics, la décentralisation même. Parce que c'est ce qu'il faut quand même dire : si l'idée même d'autogestion s'est figée au point de disparaître, les institutions rejetées sans doute ont su évoluer, le personnel municipal aussi, le pouvoir des élus et le recul de l'Etat. 







[1] « Qu’est ce qui s’est passé à Louviers ? Un tremblement de terre ? » citation attribuée à Georges Marchais, alors secrétaire général du parti communiste français... source : Pierre Semelagne, ex-militant communiste lovérien