mercredi 11 octobre 2017

Acquigny, une gauche bien vivante

Les élections locales sont souvent passionnantes et riches de leçons. Ce qui vient de se passer à Acquigny en est l’illustration.
Une élection partielle y était organisée ce dimanche, trois ans et demi après la victoire de l’équipe de Stéphane Sauvan, qui avait soufflé la mairie à la gauche en 2014.
Une partie de l'équipe victorieuse.
Même si la commune a été gérée par une équipe de gauche pendant 6 ans, même si la commune a eu, jusqu’en 1983, eu un maire communiste respecté et respectable, Acquigny est, comme on dit sociologiquement de droite, et a ainsi placé Sarkozy devant Hollande en 2008 (56/44) et Marine Le Pen devant Fillon en 2017, Macron se traînant en troisième position, ce qui est encore plus caractéristique.
Bien sûr, il serait malhonnête de ne pas tenir compte des particularités locales à l’origine du résultat et qui sont a priori la conséquence d’un rejet de l’équipe municipale, plus que du maire d’ailleurs à qui il était simplement reproché son manque d’autorité en interne.
Comme un aveu, d’ailleurs, après sa défaite, il se reprochait d’avoir été trop gentil…envers l’opposition.  En fait, il a laissé se déchaîner au sein de la commune ses adjoints avides de pouvoir et d’autorité, le tout après une suite de démission au sein de sa propre équipe … le tout aboutissant à de nouvelles élections.
Il n’empêche. Trois leçons seront tirées de cette séquence électorales.
La première, c’est que la gauche et la droite existent.
C’est bien deux listes politiquement marquées qui se sont affrontées, la droite se présentant d’ailleurs classiquement sous l’appellation « sans étiquette » face à une liste de gauche qui avait changé sa tête de liste mais dont beaucoup de membre faisaient partie de l’ancienne équipe.
La deuxième, c’est que le chamboulement consécutif à l’élection présidentielle a touché, voire coulé les appareils traditionnels de la politique française, mais a laissé indemnes les clivages locaux. Dans notre département de l’Eure la droite après avoir été structurée avec et par Bruno Le Maire, assistée de Sébastien Lecornu a vu ses deux hérauts filer vers le macronisme. Mais les rancoeurs, inspirées par l’événement, si elles se ressentent au niveau des grandes villes, n’a pas laissé de trace à Acquigny. Aucune liste pour se référer au macronisme ou à un centre à trouver. On n’est pas dans l’ancienne ou la nouvelle politique, on en est à des références sociales classiques, à des visions du monde qui situent toute la prétention à vouloir se situer hors du temps dans les questions locales.
La troisième, c’est que la gauche existe, et qu’elle n’est pas un repoussoir. Loin de là ! La liste de gauche l’a emportée avec 60 % des voix dans le cadre d’une mobilisation plus que correcte en particulier pour une élection partielle. Le centre, au cœur de la vie politique nationale, s’est montré absent des enjeux locaux qui se sont joués autour des repères traditionnels de droite et de gauche qui ont démontré leur vitalité.  
Il ne faut pas chercher midi à 14 heures. C’est autour du projet que se déterminent les électeurs. Entre ceux qui à gauche cherchent le bien de la collectivité, et ceux qui à droite, veulent en faire le moins possible de façon à laisser les choses en l’état.
La droite Acquignycienne a échoué par son défaut congénital : la division, conséquence de son absence de projet. À  ce titre, elle est un reflet de ce qui se passe au sein de la droite départementale et locale. À Louviers et dans les nombreuses communes qui composent la Case les clivages se forment autour des individualités incapables de se mobiliser autour d’un projet collectif visant au bien commun.
En ce sens, avec deux ou trois ans d’avance, Acquigny démontre toute la nature de l’enjeu des municipales à venir. La gauche n’est pas morte. Elle a tout l’avenir devant elle si elle est dans la capacité de définir un projet au service des citoyens. Elle devra, par la suite faire partager l’évolution de ce projet, le mettre en scène travailler à l’épanouissement collectif et individuel, offrant une ville pour tous et pour chacun. C’est autour de ces principes que se feront les choix des prochaines municipales, et pas seulement dans les petites villes. On parie ?

Les résultats : 
Inscrits : 1.230
Nombre de votants : 636 (participation 51,70 %)
Suffrage exprimés : 609 (49,03 %)
Liste Collet (Cohésion pour Acquigny) : 370 voix (60,75 % des suffrages)
Liste Sauvant (Ensemble pour Acquigny) : 239 voix (39,24 %)
Une victoire éclatante et une défaite écrasante


Ti'Claude, le 3e à partir de la gauche, devant la mairie
de Saint Germain de Pasquier, à l'occasion d'un concours
dont il avait été lauréat.

Post scriptum : comme il est question d'Acquigny, commune très liée à Louviers par son histoire et par sa géographie, bref, par la géopolitique, qu'il me soit permis de rendre hommage à Claude Bellevin disparu dimanche dernier. Je l'ai rencontré pour la première fois à Acquigny, où il a longtemps habité avant de revenir à Louviers. Avec Claude, c'est un bout de l'histoire tourmentée de la gauche lovérienne qui s'en va. Ma pensée va à ses enfants, Nathalie et Jean-Philippe, à ses petits enfants, aux femmes qui ont partagé sa vie, à ceux qui l'ont côtoyé et aimé, à ceux nombreux à qui il était cher. J'ai titré ce post : une gauche bien vivante. Je le maintiens. Claude a su rendre cette gauche bien vivante. Il est de ceux dont elle aura toujours besoin



mercredi 4 octobre 2017

Ma vérité sur la Catalogne


Je n’ai aucune sympathie pour les nationalismes, encore moins pour les nationalistes. Ça ne m’empêche pas d’avoir le plus grand respect pour les Nations, mais c’est une autre question. Fondamentalement, j’ai l’impression que plus un pays est grand, plus il est riche de ses diversités, plus il permet l’épanouissement des personnalités qui le peuplent.
Ironie de l'Histoire  ! Il y a 40 ans, le catalan
Miro s'intégrait dans la tragédie espagnole
en combattant le franquisme. A ce moment,
les amants de la République étaient tous
Espagnols. 
Souvent les plus grandes Nations se sont construites sur l’écrasement, sur l’écrasement d’autres Nations ou d’autres peuples et ça ne me réjouit pas plus que ça. Restent, bien entendu l’histoire des Nations humiliées, de celles qui n’ont pas eu l’occasion de s’épanouir et qui en perçoivent un fort sentiment d’humiliation collective. C’est ce qu’on peut ressentir en France, avec la Corse, et plus fortement encore en Espagne, avec le Pays Basque et la Catalogne.

En France, on a du mal à comprendre le problème de la Catalogne espagnole. Sans doute parce qu’à l’inverse des indépendantistes basques, les nationalistes Catalans ne se sont pas livrés à la violence, ou très peu, même sous Franco. En fait, la résistance Catalane s’est exprimée beaucoup plus comme dernier rempart républicain contre les rebelles Franquistes. La Catalogne a été, de fait, la République face à la dictature militaire. Elle charriait les images de l’armée de l’Ebre, de la Résistance de Barcelone face au pouvoir central déjà occupé par Franco et qui allait laisser la place à 40 ans d’une dictature féroce. C'était le contraire du pays Basque où les indépendantistes ont eu droit à beaucoup de faveurs parce qu'ils ont tenté sous la dictature de s'opposer à la dictature du Général Franco.
Pour un Français normal, soumis à un pouvoir centralisé, l’identité Catalane, plus qu’exotique, apparaissait comme inexistante. Surtout avant ! Il faut dire que la France souffrait encore de ce qu’elle avait subi à l’occasion de la deuxième guerre mondiale. Le génie gaullien avait réussi à ressouder une Nation réduite en miettes. Cela a largement contribué à la marginalisation des mouvements régionalistes. Ce n’est qu’à la suite de mai 68 que ces mouvements ont réussi à reprendre prise à partir d’une jeunesse à la recherche de causes à défendre.
Il est naturel de vouloir être indépendant. C'est une loi
de l'humanité. Il n'empêche qu'au delà de la sympathie
suscitée par les indépendantistes, les conséquences
d'une indépendance politique peuvent se révéler
catastrophiques. La brutalité du pouvoir central fait
oublier une démarche profondément égoïste qui
s'imagine bénéficier d'un gain économique en se
séparant du pouvoir central. C'est à l'échelle d'un pays,
le même calcul que celui des tenants du Brexit.
Les mathématiques élémentaires révèlent qu'en cas
d'erreur de calcul, il faut s'apprêter à payer l'addition,
et c'est toute la population qui la paiera, catalane
comme espagnole. 
Aujourd’hui même, enfin disons, jusqu’à il y a quelques mois, la Catalogne, semblait à beaucoup de français comme une curiosité folklorique. Le catalan présent non seulement à l’entrée des villes mais au cœur de leur centre et de leurs commerces, les références baroques de Salvador Dali, de Gaudi et de Joan (et non Juan) Miro le Barça, club le plus puissant d’Europe, l’omniprésence même de drapeaux catalans aux fenêtres Barcelonaises, tout cela ne prêtait pas trop au sérieux jusqu’à l’attentat de Barcelone, dont on pensait qu’il allait provoquer une réaction unanime face au terrorisme islamiste alors que non seulement elle n’a pas mis fin sous le boisseau les querelles identitaires entre les indépendantistes et le pouvoir central, mais elle les a exacerbé.
C’était la première manifestation extérieure sérieuse du problème catalan. Cela semble très loin maintenant. Cependant, tout y était. Une police catalane et une police espagnole. Un État central et une Région catalane. Et tout le monde tenant à marquer sa différence alors que 13 morts et  plus de cent blessés venaient de joncher la rambla de Barcelone, happés par le véhicule conduit par un terroriste islamiste.

La presse en a peu parlé, relayant forcément  l’émotion suscitée par cette nouvelle manifestation terroriste, mais c’était incroyable !  Du jamais vu, annonciateur de la sécession, ou au moins du projet de sécession. 
Je pensais d’ailleurs que le comportement des dirigeants catalans se retournerait contre eux. Ainsi, le référendum proposé par la Catalogne aurait dû se traduire normalement par un reflux des thèses indépendantistes. 
Sauf que ni le débat, ni le référendum n'ont pu avoir lieu dans des conditions normales et ce en raison des erreurs du pouvoir central. Le pouvoir central, il est vrai, en permettant que se tienne un référendum aurait pris le risque d'une défaite. En voulant l'interdire brutalement et maladroitement, il a organisé sa propre déroute. 
L'indépendance ne correspond pas en soi un projet
politique. 
Restent les conséquences qui risquent d'être terribles. L'Europe, si elle a repris du poil de la bête, reste très faible, et les revendications indépendantistes la fragilisent. Certes, la Slovaquie a pris son indépendance sans remettre en cause son attachement à l'Europe. Certes, les Ecossais ont envisagé de remettre le Brexit sur le gril en se séparant de la Grande Bretagne pour être davantage européenne. Mais quel avenir nous prépare la Catalogne lorsque les argumentaires politiques s'approchent de ceux du Brexit et de l'extrême droite du Nord de l'Italie ? 
Tout individu a besoin d'indépendance, mais les indépendantismes ne sont pas tous sympathiques. Dans une Europe forte, fédérale, donnant poids aux pouvoirs locaux, les indépendantismes seraient sans risque car le vrai poids politique viendrait de l'Europe. Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. 
Raison de plus pour s'écouter, pour négocier, tant il est vrai que si l'Europe, existe, si elle a pu se maintenir, c'est grâce à sa culture de la négociation. 
Le pire n'est jamais sûr. 

Ci-dessous, un résumé de la journée du référendum que le pouvoir central a échoué à faire échouer.