jeudi 25 août 2016

Face au terrorisme, tenir bon et redéfinir un Récit national

2e contribution au débat de Michel Champredon


Le 14 Juillet, l'histoire a semblé se répéter, dans l'effroi et la stupeur. Un assassin a mis à mort plus de 80 femmes, hommes et enfants, venus assister au feu d'artifice à Nice. Quelques jours plus tard ce fut le lâche attentat en l’église de Saint-Etienne du Rouvray en Seine-Maritime.
Le Président de la République a rappelé l'importance de l'unité nationale et a prolongé l'état d'urgence de six mois. De son côté la Droite a déclenché des polémiques politiciennes, donnant un spectacle lamentable au monde et sans attendre la moindre période de deuil. Au-delà de ces attentats sanglants, c'est une tentative de déstabilisation de nos sociétés occidentales qui se joue. Quelle réponse donner ? Quelle proposition politique ?  A quel niveau ?
Ces attentats sont terribles car on prend conscience, une fois de plus, que chacun aurait pu être au mauvais endroit au mauvais moment. On imagine la souffrance des familles touchées. A cette occasion, nos autorités, Président, Premier ministre, Ministre de l’Intérieur, furent à la hauteur des évènements. Elles ont pris les mesures qu’il fallait. Pour autant, on ne va pas à chaque attentat dire « on renforce les dispositifs »…Jusqu’où va-t-on renforcer les choses ? Ne sont-elles pas déjà à leur maximum ?

Alors, que faire ? La question est facile à poser mais il est plus compliqué d’y répondre. Chacun y va de sa proposition, voire de sa posture plus ou moins intéressée. Pour ma part je pense que la réponse est triple et simultanée :

1 - Développer un Récit national et fonder un nouveau Pacte républicain
A des problèmes de société, religieux et culturels, la réponse ne peut pas seulement être technique et sécuritaire quant à l’épaisseur des mailles du filet qu’il faudrait chaque fois resserrer davantage. Il faut parler aux Français de leur pays, de ses valeurs, de son histoire. Il faut, comme disent les philosophes, écrire un « Récit national » républicain et démocratique, laïc et universel. La société de consommation et la mondialisation galopante nous ont fait perdre le sens des choses, le sens commun, le sens de notre société humaine. Il faut « armer idéologiquement » (tant pis si c’est un gros mot pour certains) les Citoyens français et donner un sens à la Nation. Le rôle de l’Ecole, de la Culture et des Médias est dans ce cadre essentiel.

Mais le rôle de la parole publique l’est tout autant, le discours de nos dirigeants, ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui sont dans l’Opposition. La force d’un Récit national est d’autant plus éducative et percutante qu’elle est portée par tous les responsables politiques républicains. Force est de constater que, tout en laissant un espace maximum à la démocratie, nous manquons d’unité nationale. Ce n’est pas limiter la liberté d’expression que d’éviter les postures politiciennes sur les sujets essentiels.

Ce Récit national doit permettre de fonder un nouveau Pacte républicain qui intègre un Pacte d’intégration. Il faut donner un sens vivant à l’idée de République et développer la culture de l’engagement.

En a-t-on le temps ? C’est une réponse éducative qui prend du temps.
Nice, Promenade des Anglais juste après l'attentat
Oui car ces problèmes du terrorisme, on en a sans doute pour une génération. Ce n’est pas un problème passager qui va se régler de lui-même. Il faut donc parler droits et devoirs des citoyens, état de droit, culture, laïcité, éducation aux religions. Il faut assumer notre mode de vie, notre ouverture sur le monde, notre histoire, notre Laïcité, les afficher, les défendre et répondre à chaque fois que ces valeurs sont remises en cause.

2 - Développer les réflexes individuels de sécurité collective
Dans le même temps chacun doit comprendre qu’il a un rôle à jouer dans la sécurité collective. Il faut que les citoyens signalent les faits ou propos qui peuvent être compris comme l’annonce d’un passage à l’acte. Sans tomber dans une société de délation généralisée, chacun peut être témoin d’une scène et regretter après l’attentat de ne pas avoir prévenu pour permettre aux services de police et de justice de prendre les décisions qui s‘imposent.



3 - Agir partout contre l’Islamisme radical
Dans le même temps, il convient de multiplier les actions pour neutraliser, enfermer, expulser (selon la nature des faits) tous ceux qui agissent ou tiennent des propos dans un rôle public contre la Démocratie, les Droit de l’Homme, les femmes, les homosexuels pour ne citer que les thèmes ou personnes les plus souvent attaqués. Il faut neutraliser les lieux d’enseignement du radicalisme dans certains locaux collectifs, publics ou privés.

Il faut agir simultanément sur toutes les dimensions. Concernant les mesures de sécurité en Europe et dans nos villes : renforcement de la coopération entre Etats, surveillance des foyers de radicalisation, expulsions des personnes indésirables et n’ayant aucune légitimé à rester… Concernant les Djihadistes : action pour « déradicaliser » les jeunes concernés, dispositifs d’alerte pour prévenir les jeunes qui se radicalisent et soutenir les familles…

Par ailleurs, les attentats récemment perpétrés à Bruxelles ont fait naître un débat en France sur les phénomènes de radicalisation au sein de quartiers sensibles. A Droite comme à Gauche, certains soulignent que le cas Molenbeek n'est pas un problème strictement belge et qu'il existerait des zones similaires sur notre territoire.

Le ministre de la Ville, Patrick Kanner, dit qu’il y a cent quartiers en France (sur 1 500 dits « prioritaires »), ayant potentiellement les mêmes caractéristiques que Molenbeek. Il le dit car ses services (les préfets) ont tenu la statistique. La polémique porte sur le « politiquement correct » : faut-il le dire au risque de faire peur à la population ? A quoi sert l’information une fois délivrée…à part alimenter l’Extrême-droite ?

Sur le fond, à la différence de la Belgique semble-t-il, nous avons en France une action des Pouvoirs publics dans les quartiers populaires (la politique de la ville, depuis 1981). Même si tout n’est pas réglé, ces quartiers n’ont globalement jamais été abandonnés à eux-mêmes. Il serait intéressant de faire l’addition du nombre de milliards investis depuis 40 ans… Je vois immédiatement ce qu’on peut me renvoyer… «tout cet argent pour être le pays d’Europe qui alimente le plus les départs vers le Djihad ! » Certes ! Mais je réponds…qu’est-ce que cela aurait été si nous n’avions pas eu cette action ?

Et la vie associative et l‘éducation ?
Oui il faut toujours miser sur l’éducatif, mais on ne parle pas du même public. Ceux qui sont aujourd’hui intégristes voire terroristes ne sont pas « rattrapables » par l’éducation et la vie associative de terrain. Ils ont franchi le stade d’une extrême gravité. Il faut des dispositifs et des professionnels particuliers pour les traiter. Je me demande d’ailleurs, si ceux qui sont « récupérables », sont majoritaires ou minoritaires ?

Néanmoins, pour éviter des dérives plus nombreuses, il ne faut pas laisser de côté le terreau social, et recréer des « têtes de réseaux associatives » pour structurer l’action sociale dans les quartiers, développer les « adultes-relais » pour servir de référent à des jeunes en perdition et alerter les services à temps…

C’est par la conjugaison de réponses diversifiées, tant dans le domaine de la guerre internationale, de la surveillance des réseaux sociaux, de la prévention dans nos quartiers, de l’éducation, de la répression des groupes organisés mais aussi par la valorisation et un nouveau sens donné à notre idéal de vie…que nous parviendrons à surmonter ce défi qui est posé à nos sociétés occidentales.





Aucun commentaire: