vendredi 5 février 2016

Bien sûr qu'il faut réformer l'ortografe !

Je comprends ça : on se donne du mal à acquérir un savoir et puis, tout d'un coup, il ne sert plus à rien. Il faut faire autrement.

Oui, il faut repenser l'école, il faut repenser
le savoir, ouvrir à la réflexion et ne pas se
contenter du par cœur, dont l'orthographe
à la française est le plus bel exemple.
On est d'ailleurs en plein dans la tragédie du monde moderne et de son rapport au savoir que commente depuis longtemps Michel Serres. Au fond, quand il dit que l'avènement des nouvelles technologies nous invite à repenser l'école, les réactions hystériques en réponse à l'application de la réforme de l'orthographe lui donnent entièrement raison. Elles donnent en même temps une idée du chemin qui reste à parcourir quand la France continue à s'enfoncer dans les défauts de son système éducatif.
Le plus lourd défaut est sans doute le fait de considérer tout comme acquis pour l'éternité. Ainsi en serait-il de l'orthographe, science des ânes... et de fait, quand on touche y touche, les ânes se rebellent !
Je fais fi des mensonges éhontés qui nous viennent des courants de la droite et de l'extrême droite organisée qui veulent faire croire que Najat Vallaud Belkacem serait pour quoi que ce soit dans la réforme. c'est sans doute la conséquence inattendue du départ de Christiane Taubira, Najat Vallaud Belkacem fait partie de ce qu'on appelle les minorités visibles, elle a un nom arabe, un prénom oriental et en plus, c'est une femme. Voilà de quoi ouvrir le robinet à insultes, et espérer ressouder la communauté des racistes abrutis.
Qu'importe s'il s'agit non pas d'une réforme de l'éducation nationale, mais de l'application de directives de l'académie (DE L'ACADEMIE !!!! On n'est pas là dans la dérive de membres de cabinet ministériels se lâchant un soir de cuite) datant de 1990... Et qu'on n'a pas appliqué dans les manuels pas timidité. Najat Vallaud-Belkacem n'y est pour rien !
Il s'agit d'une réforme très timide ... Normal, on est avec l'Académie, je le répète. On n'interdit pas l'ancienne orthographe, on enseigne la nouvelle, ce qui est prôné par l'académie de Grenoble depuis 2007 (2007 ! C'était Xavier Darcos, succédant à De Robien ... Il n'a rien dit et personne non plus d'ailleurs et personne parmi ses successeurs).
Aucun argument ne tient à l'analyse pour figer la langue française dans ce fatras créé par l'Académie (avec un A majuscule) pour limiter un maximum l'accès à l'écriture. Ainsi le français est-il passé à coté des réformes qui ont fait de l'italien, du portugais, de l'espagnol des langues modernes où l'on écrit ce qui se prononce et où l'on prononce ce que l'on écrit. Reste d'ailleurs à rationnaliser l'écriture. 
Non, il ne s'agit pas de niveler par le bas, comme le disait un de mes amis effrayé par la réforme et s'offusquant qu'un de ses élèves ait parlé d'une réforme scholaire ... sauf que scholaire vient d'une lointaine orthographe du français, qui évolue certes lentement mais qui évolue quand même et la règle d'hier fait le grief d'aujourd'hui... Marrant comme notre société avide de changement se recroqueville à la moindre modification de ses certitudes ... 
Ainsi ose-t-on encore parfois dire qu'il ne faudrait pas changer l'orthographe car elle est un moyen de comprendre l'origine et le sens des mots. C'est n'importe quoi ! Quel enfant va apprendre l'origine du mot orthographe pour en comprendre le sens ? Aucun, ce sera l'adulte soudain intéressé qui pourra faire cette démarche, sauf qu'il pourra aussi bien la faire en écrivant ortografe. 
François Rabelais, promoteur du gay sçavoir. Le
savoir n'est pas là pour nous apporter des
certitudes aussi inamovibles que l'orthographe,
puisque l'orthographe elle-même doit bouger.
Elle n'est pas un savoir, mais un instrument qui
doit s'adapter au savoir. Comment parler à ce
sujet de nivellement par le bas si ce n'est en se
situant soi-même au dessous de tout ? 
Un mot ça se comprend précisément en faisant des erreurs d'interprétation, en comparant, en aimant la langue et langue, c'est en premier de l'oral ! Depuis l'origine de l'humanité. Ce n'est pas en apprenant par coeur une orthographe qu'on comprend le mot, mais parce qu'on devient intelligent et qu'on est capable de mettre le mot en question.
Le monde moderne nous contraint à l'intelligence, au plaisir du savoir, du gay sçavoir dont parlait déjà Rabelais, et dont nous devons garder l'essence ... et pas l'orthographe (tiens, au fait, personne pour regretter qu'on revienne à l'orthographe rabelaisienne du sçavoir ? C'était pourtant tellement joli ... ! Je dis ça pour les pré-nostalgiques d'un accent circonflexe dont personne n'a envisagé la disparition).

Pour finir, je recommande l'excellent article des décodeurs du Monde, qui arrivent à parler du sujet sans s'énerver ... à noter malgré tout, cerise sur le gâteau, la perle magnifique du syndicat d'extrême droite UNI. Pour accéder à l'article, cliquer ici .

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