mercredi 27 janvier 2016

Ah Christiane ! Nous nous sommes tant aimés ...

Christiane Taubira à Evreux, lors de l'inauguration de la place
Aimé Césaire entre Michel Champredon et Franck Martin,
alors maires d'Evreux et de Louviers.
J'ai connu Christiane Taubira en 2002. Je m'étais précipité à Paris sitôt connue sa candidature. Je tenais à faire la campagne de la candidate du parti radical de gauche. 
 
Cette campagne a été bouleversante. Elle a été bouleversante dans son essence même, puisqu'elle a permis la confrontation de personnalités nouvelles, elle a été bouleversante par son résultat puisque pour la première fois dans l'histoire de la 5e République elle a amené l'extrême droite au deuxième tour. Enfin, c'est une période qui m'a marqué personnellement, puisque ma mère venait de subir une attaque et avait due être hospitalisée en avril 2002, juste au début de la campagne officielle.   
 
 
Je garderais à jamais le souvenir de la route qui me conduisait de l'hôpital de Grenoble où elle venait d'être hospitalisée, à la station de ski de La Plagne où je devais rejoindre ma nouvelle petite famille recomposée. La radio vomissait un flot insupportable de discours sécuritaires, portés  par l'ensemble des candidats. C'était la carte de la sécurité que Chirac avait sorti comme atout-maître et dans laquelle s'engouffraient les Le Pen, Chevènement, Jospin, Mégret dans un sinistre concours au prix du Père Tape-dur[1]
Seule dans ce concert d’appel à la remise en cause  des principes de la justice et de la protection des mineurs, Christiane Taubira appelait à la République du respect et à la citoyenneté.   
Seule dans ce concert d’appel à la remise en cause  des principes de la justice et de la protection des mineurs, Christiane Taubira appelait à la République du respect et à la citoyenneté. 
Quelques années après son passage à Louviers, Christiane
Taubira est devenue une figure emblématique de la gauche. Ici,
à l'assemblée Nationale, elle donne avec le sourire, la leçon aux
vieilles badernes ... Elle aussi capable de faire franchement la
gueule, mais ça, ce sera pour plus tard.
Elle était venue à Louviers[2], où une salle pleine l'avait accueillie, éberluée par ses qualités d'oratrice. Plus tard d’ailleurs, lorsque je l’avais ramenée chez elle en voiture, elle m’avait raconté, son goût pour les mots, la poésie, le plaisir qu’elle avait à apprendre des poésies par cœur, et à se les réciter ... ces mots qu’elle suçait avec gourmandise et sensualité, bref, tout ce qu’on a retrouvé magnifiquement lorsque la magnifique Christiane s’est opposée aux vieilles badernes réactionnaires au sujet du mariage pour tous.
Voilà, tout est dit. Peut-être mal dit, mais c’est dit. Cette campagne, je ne l’ai jamais regrettée. Elle m’a fait connaître une figure majeure de la politique, même si dans la suite immédiate de la campagne, personne n’aurait pu dire ça. Il faut voir ce que j’en,  ce que les radicaux ont entendu d’avoir soutenu Taubira. Les désaccords ont même sonné à l’intérieur du prg.
Plus tard, en dépit des désaccords avec elle sur l’Europe et sur ses accointances avec Montebourg, je n’ai jamais regretté cet engagement. Je continue toujours de penser que le pire dans ce type de situation est de ne pas s’engager.
 "Nous voulions changer la vie, mais la
 vie nous a changé",  phrase référente du film
d'Ettore Scola mort ce 19 janvier.
C'eravamo tanto amati, nous nous sommes
tant aimé en français.

 
Je pense qu’effectivement, elle a raison de démissionner. Question de respect des institutions. Comme l’avait dit avec délicatesse Chevènement : un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule. Or, Christiane avait déjà beaucoup parlé. Je considère pour ma part que je n’ai pas les éléments pour trancher sur le sujet de la déchéance de nationalité. Je persiste à penser qu’il s’agit d’un désaccord politique mineur, parce que, contrairement à la mousse faite autour de la sécurité en 2002, le risque est bien réel. Je persiste à penser que si l’on était d’accord avec le Président de la République au lendemain du 13 novembre, on ne peut pas le lâcher trois mois plus tard même si je comprends qu’il y ait débat.
N’empêche, je persiste : à la suite des catastrophiques Pascal Clément, Michel Mercier, Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, en dépit de certains autres qui ont fait le job, Christiane Taubira a été la meilleure ministre de la justice de la 5e République après Robert Badinter. Quoi qu’il advienne, j’aurais apprécié ses qualités humaines et ses capacités de travail et la nécessité d’une telle personnalité dans le monde politique. Et je reste content, d’avoir à mon faible niveau participé à son éclosion.
 
 




[1] La télévision relayait jusqu’à la nausée les images de Paul Voise, un retraité agressé à Orléans et qui démontrait que la France vivait en grand état d’insécurité. Les études menées par la suite, tant par la police que par la presse critique ont amené les plus grands doutes sur la réalité de l’agression


[2] Marrant d'ailleurs comme Louviers avait joué un rôle clef dans cette campagne puisque c'est là que Besancenot avait tenu à lancer la sienne, devant son vieux lycée avec Pierre Vandevoorde, son vieux prof d'allemand.  
 

 
 




Aucun commentaire: