mercredi 22 octobre 2014

Pourquoi Manuel Valls a répondu à Jean-Michel Baylet

On n'aura jamais autant parlé du prg, et c'est tant mieux !


Manuel Valls reprend la main. A la suite d'une période
tourmentée, laissant apparaître de lourdes fractures au sein du
PS, le premier ministre a saisi la perche tendue par le prg pour
donner le sens réel du combat que doit mener une gauche
moderne.
Je dois concéder avoir été très sceptique sur la démarche menée par Jean-Michel Baylet à la suite de sa défaite électorale.  Je n'étais pas le seul, mais je veux être parmi les premiers à reconnaître que je m'étais trompé. Plus le temps passe et plus les événements lui donnent raison.  
Au départ, j'étais plus que réticent à l'idée que les radicaux puissent quitter le gouvernement. C'était pourtant carrément ce qu'a proposé Jean-Michel Baylet devant un bureau national frileux le 8 octobre. On imagine la tête des ministres face à une telle perspective ... mais il n'y avait pas que les ministres à faire la tête. Pour beaucoup, dont moi, la perspective de quitter le gouvernement était une porte ouverte à la décomposition du pouvoir et au fait que si la gauche ne tient pas le mandat, elle ne retrouvera pas le pouvoir avant 30 ans ... Un pouvoir qui se partagera entre la droite et l'extrême droite, terrible  perspective, vous en conviendrez.


Jean-Michel Baylet a marqué des points lors du forum.
Sans doute Est-ce là la marque des grands hommes
politiques que de savoir se redresser quand rien ne va plus.
Or donc, quand le président Baylet, qui venait de voir Hollande et Valls a dit qu'il allait demander une réunion d'urgence et exiger une réponse dans les 10 jours (c'est à dire que cette réponse devait arriver avant la réunion du Comité directeur du prg qui s'est tenu vendredi dernier) je me suis dit qu'on courrait à la catastrophe. Je me souviens du visage incrédule d'Annick Girardin, ministre de la francophonie qui n'en croyait pas ses oreilles ...

Je rajoute cette photo, parce que je l'aime bien. Christiane
Taubira, invitée au forum par le prg. Elle a dit à Jean-Michel
Baylet qu'elle se sentait toujours de la famille, même si elle
n'a pas sa carte. Il est vrai que sans les radicaux, ni sans la
période électorale de 2002, elle ne serait pas où elle en est,
c'est à dire la plus grande garde des sceaux depuis Badinter.
Or, que c'est-il passé ? Non seulement Valls a reçu Jean-Michel Baylet une nouvelle fois, non seulement il a répondu à la lettre comminatoire du président du prg de sept pages, mais en plus il lui a donné raison sur à peu près tout et en particulier sur le fait que les accords n'avaient pas été respectés ! Je répète ... parce que je n'ai pas souvent entendu ça en 40 ans de vie politique : Manuel Valls, premier ministre, a convenu que les accords n'avaient pas été respectés. Dingue !
 
 


 
Mais en fait, j'ai seulement commencé à comprendre lorsque Valls, dans son discours de dimanche a profité de son passage au forum pour répondre à l'interview que Martine Aubry avait donné au Journal du Dimanche le matin même. Définitivement, et quoi qu'il lui en coûte le premier ministre fait le choix d'une gauche moderne, qui prend le pari de la gestion et qui laisse de côté les imprécations d'une gauche mollettiste, c'est à dire de celle qui promet et qui, une fois au pouvoir les oublie pour mener la pire des politiques (rappelons pour nos jeunes lecteurs que Guy Mollet, tenant en théorie d'un marxisme appliqué au parti socialiste a envoyé les troupes en Algérie, fourvoyant au passage la gauche et la mettant durablement dans l'opposition).
On retrouve donc toutes les pièces du puzzle. Quand Manuel Valls précise que les accords ne sont pas respectés, c'est par ce que, lui non plus n'a pas la main sur le PS. Martine Aubry, sort du bois au moment où, précisément, elle rappelle son poids à l'intérieur de l'organisation, à coté des frondeurs et qu'ont rejoint Philipetti et Hamon. Mais en même temps, plus elle fait ça, et plus elle montre que le PS ne sert à rien et qu'il convient de recomposer la gauche. Dans ce projet, les radicaux doivent jouer tout leur rôle. C'est notamment ce que dit Manuel Valls dans son interview au nouvel observateur : il faut en finir avec la gauche passéiste !
Ainsi donc, les radicaux ont plus que joué pleinement leur rôle : la recomposition du paysage politique français passe par eux. J'ai vécu un petit événement historique, mais sur le coup, je ne m'en étais même pas rendu compte !
Un petit clin d'œil avant de partir pour l'ami Filoche. Filoche, je le connais depuis tout petit, enfin, depuis que moi je suis tout petit, parce qu'il a toujours été plus grand que moi. Il faisait figure de héros, parce qu'il avait eu des faits d'armes s'étant fait casser la figure par des fachos qui étaient descendus casser la gueule aux gauchistes qui refusaient la guerre du Vietnam. Ce fut d'ailleurs, là aussi un événement fondateur de la vie politique française puisque nous avons retrouvé dans ce combat violent d'un côté l'ami Filoche devenu membre des instances nationales du parti socialiste après être passé par la ligue communiste révolutionnaire et de l'autre 
Filoche, un grand souvenir d'enfance, mais finalement,
j'aurais vieilli avant lui. C'est la vie !
Madelin et Devedjian qui ont rejoint la droite traditionnelle après être passé par occident et autres mouvements d'extrême droite. Passons, enfin, justement, Filoche a visiblement du mal à passer ... il a fallu qu'à l'occasion du décès de Christophe Margerie, il éprouve le besoin d'insulter le grand patron à la suite de l'accident. Personnellement, c'est pas l'indécence du propos qui m'insupporte ...

 

Effectivement, on ne parle pas comme ça d'un mort, ça ne se fait pas, sauf en cas de guerre. Mais ce qu'il y a de particulièrement idiot, c'est de traiter Margerie de suceur de sang. Ce sont là des images à l'ancienne qui n'ont rien à voir avec l'évolution du capital aujourd'hui, de sa réalité ... C'est idiot et anti-pédagogique ... tout ça pourquoi au fond, Gérard ? Pourquoi ? Pour essayer de rester jeune ? Pour faire oublier qu'on est devenu réformiste ...  Faire tout pour se faire virer du PS avant de hurler qu'on veut y rester. Bref, autant de chose qui permettent de passer pour un imbécile.
 

 


 

vendredi 3 octobre 2014

territoire et décentralisation

Contribution à la réforme des territoires



La photo ne date pas d'hier, mais  le débat a été si prenant que je n'ai pas pensé
à en prendre. Encore merci à Patrice Yung d'avoir animé et éclairé le débat.
Le café radical consacré le jeudi 2 octobre au thème de la réforme territoriale en cours, et sa mise en perspective avec la décentralisation a été passionnant et riche.



La constitution des territoires est toute récente dans notre histoire démocratique, quand bien même elle recèle un certain nombre d'archaïsme. C'est cependant là qu'il faut chercher la voie de sa modernité. Certes, les communes ont été construites sur la base des paroisses moyenâgeuses, elles même héritières de la construction de la chrétienté, elle même chaussant les souliers de la centralisation du pouvoir romain  ... mais là n'est pas l'important.
Après tout, les pouvoirs locaux ont souvent su, au cours de l'histoire, se faire entendre du pouvoir central.
Rappelons qu'au départ, les départements ne sont pas une conception démocratique, mais sont l'outil du pouvoir révolutionnaire pour s'imposer sur le territoire national.
Les Régions actuelles sont plus récentes encore. Elles non plus n'ont pas été faites dans un projet démocratique, elles reprennent grosso modo leur délimitation fixée par le régime de Vichy et leur rôle n'est pas clairement identifié.
En fait, c'est la grande réforme de 1982 qui va réellement permettre aux collectivités locales leur fonctionnement actuel entre communes, département et Région. Un peu plus tard, la gauche encore fera une réforme majeure en développant l'intercommunalité à qui elle donnera bien plus qu'une simple mission de coopération : une mission de territoire.
C'est tout cet équilibre auquel s'attaque aujourd'hui le gouvernement et c'est tout l'objet du débat qui a passionné les participants du café radical, auquel participait d'anciens maires, d'anciens élus, des élus et de simples citoyens.
Le moment semble très mal choisi pour faire une réforme d'envergure. Cela fait penser à la réforme de la taxe professionnelle faite par Nicolas Sarkozy et qui lui a d'ailleurs permis pour la première fois de faire passer le Sénat à gauche. On n'entame pas à mi-mandat un tel projet sur un tel sujet, dur à comprendre pour le citoyen moyen, lorsqu'on dirige un gouvernement impopulaire dont on sait que chaque mesure sera soumise à caution.
L'argument majeur que l'on a entendu jusqu'à présent autour du projet est que le fonctionnement des collectivités locales coûte trop cher. Si ce point de vue soi peut s'entendre ... il est toutefois politiquement nul. Le problème est beaucoup plus de savoir ce dont nous avons besoin comme système démocratique, quitte à le rendre plus performant par la suite, que de déclarer tout de suite qu'il est trop cher. On ne peut pas dire à la fois que les élus sont trop éloignés de la population et en diminuer le nombre a priori.
À cet égard, méfions-nous des éléments statistiques visant à démontrer que les collectivités locales sont par essence dépensières, ont multiplié leur recrutement sans se soucier des deniers publics. Rappelons que l'État s'est délesté de ses dépenses tout en confiant aux collectivités locales de nouvelles compétences et que cela s'est naturellement traduit par des recrutements et des dépenses supplémentaires. Pourquoi l'État  a fait comme ça ? Par ce qu'il savait qu'il était mauvais gestionnaire, certes, mais il était évident de même que les collectivités locales allait aussi répondre à la pression de leurs électeurs en construisant des équipements de qualité. 
C'est grâce à la décentralisation que la France possède des équipements de qualité, un réseau routier amélioré, de beaux lycées, de belles piscines et va développer l'accessibilité de ses services aux handicapés par exemple. Tout cela a un coût, et a en grande partie été réalisé grâce au pouvoir décentralisé des collectivités locales. 
On peut s'offusquer, face à cela du nombre de fonctionnaires, de la qualité du service rendu. Mais n'oublions pas que la fonction publique territoriale, est la plus récente des fonctions publiques, qu'elle est aussi la plus moderne et la plus souple, quand bien même, bien entendu, l'amélioration de son fonctionnement est toujours nécessaire. Mais nous avons là une ressource humaine très réactive, apte à répondre au besoin social ainsi qu'à la pression des élus locaux et qu'on ne retrouve pas dans les services de l'État.
Maintenant, si l'on doit répondre aux besoins impératifs de restriction de la dépense publique, faisons-le ! Mais sans jamais s'embarrasser de préjugés, ni oublier les raisons qui ont amené à la responsabilité des collectivités locales dans la part prise dans ces dépenses. Que l'État centralisé ne s'exonère pas non plus de ses responsabilités.
Venons-en maintenant aux diverses structures décentralisées.

Les communes

Il y a 36.000 communes en France. C'est trop ? Sans doute. Le problème n'est pas d'ailleurs leur nombre que de savoir à quoi elles servent. Alain Tourret, très justement, donne en exemple négatif, le fait qu'il ait eu à inauguré près d'une dizaine de mairies nouvelles dans sa circonscription deux ans après avoir été élu député. Effectivement, c'est la marque de collectivité sans autre projet que de se maintenir elle-même. Le maire n'a souvent plus de pouvoir et c'est tant mieux. En même temps, il convient de prendre en compte deux aspects
  • Le premier, la participation à la décision collective et la citoyenneté. 36.000 communes, cela fait plus de 360.000 élus.
  • Le deuxième, c'est le dévouement des élus et des maires en particulier, sans cesse sollicité pour toutes sortes de problèmes.
On peut aussi noter pour les communes de plus de 1.000 habitants que la nouvelle loi, imposant des listes paritaires a multiplié le nombre de candidatures et un vrai intérêt pour la vie locale.
On ne peut nier cependant l'aspect pervers d'un découpage communal ancestral qui n'est plus lié à un bassin de vie. Le terrain organisé autour de réalités agricoles, est devenue une terre d'abri pour des urbains lassés ou rejetés de la ville, exigeant de plus en plus de services publics auxquels ils ont été habitués. On ne peut nier, de même la concurrence parfois mortifère entre communes, dont il serait nécessaire qu'une décision étatique impose la fusion, tant elles représentent un même bassin de vie.

Les intercommunalités

Au départ, elles avaient pour but de répondre aux besoins évoqués plus haut, tout en respectant les pouvoirs locaux. Ont elles répondu au projet ? Oui. A présent, tout le territoire national est couvert d'intercommunalités. Il n'y a plus de dent creuse. L'intercommunalité, certes coûteuse, s'est traduite souvent par une dynamisation du territoire et l'arrêt de la concurrence entre communes pour faire venir telle ou telle entreprise. Y a t il eu gaspillages ? Oui, bien sur. Chacun peut le constater en prenant ce qu'on appelait avant nos départementales et qui jalonnent notre belle France. L'intercommunalité a fait pousser les ronds points comme les champignons. Les ronds points sont les projets des intercommunalités sans projet. Elles sont cependant des territoires à redessiner et elles restent un outil d'avenir, car même lorsque le nombre de communes aura diminué, les mutualisations, les apports de compétences, la logique de fonctionnement en réseau qu'elles ont contribué à mettre en place restera indispensable...
Reste à envisager les toutes nouvelles intercommunalités qui ont pour nom métropoles et qui sont des éléments indispensables dans le cadre d'un rayonnement européen. Lesdites métropoles sont d'ailleurs le point de transition indispensable pour parler des départements.

Les départements

Cela ressemble à une farce. Jean Michel Baylet a fait état lors d'un comité directeur de pré-débat parlementaires en disant que l'Etat voulait supprimer les conseils généraux mais pas les départements ! En fait cela voulait dire supprimer des instances élues qui ont effectuée un travail extraordinaire, notamment parce que ces instances une fois passées de droite à gauche (rappelons nous l'époque pas si lointaine où la gauche avait une vingtaine de départements, et qu'elle y est à présent majoritaire) ont su se moderniser et répondre aux attentes de l'État.
Mais cela veut dire aussi supprimer la notion de contre-pouvoir instituée par la décentralisation ! Alors que le préfet co-présidait le conseil général, la loi de 1982 a fait des collectivités autonomes, ce qui fait que face au représentant du gouvernement, il y avait un représentant de la population. Cette démarche nouvelle, moderne, nous accompagne depuis plus de trente ans.
S'il ne faut plus de département, il n'en faut plus non plus au niveau de l'État  ! La numérisation du territoire doit là aussi permettre des économies et une nouvelle logique de fonctionnement, privilégiant des rapports humains de qualité changeant l'image du fonctionnaire à lustrine protégé par un guichet.
Reste à démontrer, après tout ce qu'on a demandé et obtenu des collectivités locales, que les départements sont inutiles. Sans doute la revendication radicale de maintien des départements ruraux a tout son intérêt. La numérisation des territoires ne doit avoir pour but que d'améliorer les rapports humains, développer les implantations de petites et moyennes entreprises, elle ne doit pas viser à se substituer à l'humain sous peine d'échec retentissant.

Les Régions  

On a parlé des régions de la pire des façons. On en a parlé en premier alors qu'il aurait fallu en parler en dernier. Je ne vois qu'une réussite pour l'instant : la réunification de la Normandie, vieille revendication radicale. Justement, revenons sur ce point :
ce qui avait amené à la division de la Normandie était la crainte de voir s'imposer une vraie région, sur la base des provinces ancestrales, de celles qu'avait dû combattre le pouvoir centralisé.
Pourquoi, alors que cette crainte n'est plus justifiée et qu'il faut aller vers un vrai pouvoir des régions, ne pas donner la réalité à la Bretagne et créer de régions à l'identité solide. Mais la question fondamentale n'est pas celle du découpage, que l'on contestera toujours. elle n'est pas la question de l'identité. Elle est la question du pouvoir des régions et de ce que nous devons obtenir dans le cadre d'une vision fédérale. Certes, il est logique que l'enseignement soit une compétence régionale du collège à l'université, mais ne pouvons pas envisager une remise en cause de l'Education Nationale et de faire en sorte que le mammouth sache s'organiser régionalement, d'une manière souple et moderne. Tant qu'à redessiner les régions en provoquant des hurlements, autant se poser clairement la question d'un État fédéral. Tel est à mon avis, la mission politique des radicaux.