samedi 5 juillet 2014

Une belle soirée au café radical ...

De la lutte contre le Front National

à la modernisation des institutions

Pascal-Eric Lalmy, votre serviteur et Sélim-Alexandre Arrad, président
des jeunes radicaux de gauche qui nous a  fait l'honneur de sa présence.
Un débat passionnant qui a remis en perspective la résistible montée du
 front national. Il n'empêche, ce phénomène oblige à repenser la politique.
Ça avait pourtant pas trop bien commencé. Juste avant, la France avait été éliminée par l'Allemagne dans les 1/4 de finales et puis, voilà, il n'y avait pas trop de monde mais les participants sont venus au fur et à mesure combler la salle.
Il n'empêche, l'enjeu du débat était celui-là : peut-on arrêter le Front National ? Même si, Pascal-Eric Lalmy, a d'emblée tenu à poser la question de manière plus positive : "peut-on battre le Front National ?" Mais au delà, le débat a permis de sortir des lieux communs et de tracer de vraies perspectives politiques. 
Pascal-Eric Lalmy a rappelé à quel point les valeurs du Front National sont à l'exact opposé de celles des radicaux, viscéralement attachés aux principes humanistes de fraternité, de liberté et d'égalité. 
L'extrême droite, dont sont issus ses dirigeants historiques, est l'adn du Front National. Elle a défendu les régimes réactionnaires les plus autoritaires au cours de l'histoire, en Italie, en Allemagne, en Espagne et ailleurs, Pascal-Eric Lalmy rappelant qu'avant la deuxième guerre mondiale, la France faisait figure avec l'Angleterre d'une des rares références démocratiques en Europe ... d'où la terrible inquiétude qui a saisi l'Angleterre lors de l'invasion allemande de la France. 
Nous n'en sommes pas là, nous n'en sommes plus là. Même si  l'Histoire nous est indispensable dans la connaissance des phénomènes politiques, les références historiques ne seront jamais l'outil permettant d'affronter l'adversaire.
Car l'adversaire a changé de nature, aussi parce que le contexte historique n'est plus le même. Certes, le Front National ne voit pas trop l'utilité de la démocratie, et encore moins de l'Europe qu'elle souhaite détruire de l'intérieur. 
Il n'empêche, les outrances antisémites de son Papa-gâteux sont plus qu'une entrave dans l'image nouvelle que Marine Le Pen souhaite donner à son mouvement. Non seulement elles l'ont empêcher de créer un groupe d'extrême droite au sein du parlement européen, mais elles contredisent sa stratégie de conquête du pouvoir. Contrairement à la politique du coup de force qui constituait l'identité puis le rêve politique naturel de l'extrême droite européenne. 
C'est ce qui explique la sortie de Marine Le Pen sur les propos de antisémites  : "c'est une faute politique". Pour ébouriffante qu'ait pu paraître la sortie de Marine Le Pen à tous les humanistes ... Marine Le Pen avait besoin d'envoyer un message en interne. La faute politique n'était pas liée au moment où elle a été commise. La faute politique portait sur le fond. L'antisémitisme ne doit pas être la ligne.  
L'extrême droite a changé parce que la société a changé ... et sans doute est-elle un symptôme majeur de cette société en mutation. 
L'enfer c'est les autres, de Jean Paul Sartre, dans Huis Clos 
 Il a commenté ainsi cette citation : les autres sont au fond ce
qu'il y a de plus important en nous-mêmes".
Pas étonnant que les outils dont se sont servis les partis traditionnels s'avèrent inopérants. A quoi sert de dénoncer l'extrême droite comme soutien des partis fascistes et nazis, alors que le fascisme et le nazisme ont disparu de la scène politique. On peut certes dénoncer le front national comme raciste, c'est pas faux. Le Front National axe son développement sur la connivence, sur l'air de "on fait tout pour les autres", avec l'idée que chacun donnera aux "autres"  la connotation qu'il voudra. Les autres, pour beaucoup, ce sera les étrangers ... et pour beaucoup ce sera "les arabes" et toutes les affirmations identitaires de l'autre ... seront autant de raison de s'en protéger. L'enfer, c'est les autres, comme disait l'autre. 
Mais le Front National n'a même pas besoin de s'affirmer ouvertement raciste, ni même ouvertement sécuritaire. Il suffira que n'importe quel parti pose de problème de l'immigration, de la sécurité, pour que le Front National engrange ce qu'il n'a pas besoin de semer. C'est le coucou de la République. 
Là où le Front National est moderne, c'est qu'il se développe non seulement sur le terrain de la connivence, mais aussi sur celui de la frustration. 
Claude Blanluet est venu rappeler la façon dont le Front National a pris la place du parti communiste, comme point de repère identitaire des frustrés de la République. Le Parti communiste s'est effondré parce qu'il était incapable d'ouvrir une perspective politique dans un monde en pleine mutation. Mais ce qui reste dans cette mutation, c'est l'inquiétude. Une inquiétude qui n'a  pas de nom, une inquiétude qui s'auto-nutrit. 
Cette inquiétude c'est aussi un besoin insatiable d'attention, et dans un monde où l'individualisme s'est considérablement développé, l'inquiétude c'est, pour le citoyen, que l'attention se porte sur quelqu'un d'autre que sur lui-même. On comprend, dans ce contexte, que les discours de diabolisation, les imprécations culpabilisantes soient sans effet sur l'électorat. 
Au fond, le vote pour le Front National, est un peu comparable aux émeutes qui ont secoué, essentiellement dans les cités des villes moyennes, la France en 2005 et à Evreux en particulier. Il y avait cet aspect paradoxal qu'elles étaient une demande de plus d'égalité et de plus de République. Or, pour réclamer plus de service public, les émeutiers s'en prenaient aux infrastructures de transport en commun, aux bus, aux pompiers, bref à tous les efforts menés par les autorités publiques en direction du quartier.
Il en va de même pour ce vote du Front National qui ne fait que renforcer une défiance croissante contre les institutions dans le sens le plus large. Ce ne sont pas seulement les politiques et les représentants de l'Etat qui en prennent pour leur grades. Les élus le savent, les policiers, les juges, mais cela va jusqu'aux enseignants et il suffit de rappeler qu'à présent, les résultats de permis de conduire sont envoyés par la poste.
Bien sur, la défiance vis à vis des institutions vient de haut. L'ex-président de la République, membre du Conseil constitutionnel en donne un exemple criant. 

Il faut changer de République

Mais ne nous y trompons pas, et le Front National ne s'y trompe pas, la volonté des Français n'est pas de détruire ni les institutions, ni la République. On n'en est pas là. La volonté des Français est que les institutions s'occupent plus d'eux. 
Avons-nous les moyens de répondre à leur demande ? C'était un peu le point de vue de Sélim-Alexandre Arrad, président des jeunes radicaux de gauche. Il faut expliquer, s'expliquer ... un point de vue qu'Olivier Taconet, remettait sérieusement en question ... lassé qu'il était par l'effort mené depuis 18 ans par la municipalité de Louviers. La pédagogie ne saurait être l'alpha et l'omega de la lutte contre le Front National même s'il n'est jamais inutile d'avoir un argumentaire.
La demande sociale est insatiable. Peut-on améliorer les services publics, lorsque tout pousse à leur rationalisation, à une meilleure gestion, à des mesures drastiques qui ont amené à la vaste réforme territoriale que rejette les radicaux ... Pourquoi la rejettent-ils ? Ce sera l'occasion d'un prochain débat. Au sein du prg et au sein d'un café radical. Parce que voilà, nous y sommes : la structure institutionnelle n'est pas en mesure de répondre aux besoins de la population. 
En fait, on en revient à l'affirmation de Christiane Taubira : les institutions sont d'abord là pour protéger les plus démunis. Et il est vrai que si l'on doit modifier les institutions, c'est non seulement pour leur permettre de se maintenir mais pour leur permettre de mieux assumer leur mission. Jusqu'à présent, la question des institutions est traitée sur la défensive. Comme si on était juste contraint de faire avec des institutions dont l'utilité est incontestable mais qui coûtent trop cher. On est là dans l'erreur majeure du gouvernement sur la réforme territoriale. "Les territoires coûtent trop cher, donc on réforme". Outre le que le fait que l'argument est contestable, on est dans le contraire de la politique. Les institutions doivent être réformées, c'est un fait. On ne vit plus dans le monde où elles ont été créées, dans la République du 19e siècle, où dans l'après guerre. Les territoires, l'organisation de l'Etat, l'éducation nationale, et la justice même doivent être réformées. Mais pas dans le but de faire des économies. C'est nul ! C'est le contraire de la politique, c'est même le contraire de la gestion.
Il faut changer de République ... mais ceci sera l'objet d'un autre débat. Le prochain café radical aura lieu après les vacances. 





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