lundi 2 juin 2014

Que faire contre le Front National ?

Une fois passée les premières émotions :
ni rire, ni pleurer, mais comprendre avant
de combattre.

Dans une élection, tout le monde parle à voix basse, même ceux qui se taisent. Mais, comme il y a beaucoup de monde, ça fait beaucoup de bruit... en fait, dans le résultat des élections, c'est toujours un pays qui parle.

Les élections européennes sont un moment particulier dans cette prise de parole, même si elles engrangent beaucoup d'abstention. Mais après tout, ce n'était pas tellement le cas cette fois-ci (il y a même eu un léger mieux par rapport à la dernière fois) ! 
Elles sont un scrutin à part. C'est la seule fois où l'électeur n'a qu'un seul tour. Tout le monde part en même temps. Tout le monde arrive en même temps. Certes le choix de découper la France en grande circonscriptions[i] fausse un peu la donne, mais on peut estimer avoir une bonne idée de ce qui se passe dans la tête du peuple de France.
C'est bien pourquoi, tout déni est impossible après une élection. Il existe bien, à chaque fois un message. Même si chaque électeur ne porte que sa propre voix, c'est l'ensemble des voix qui crée un chant harmonieux, un brouhaha désagréable ou un tumulte insupportable.
Et les Européennes, ça a été ça ! Le tumulte. Le tumulte des résultats, suivi du tumulte des analyses. Un vent de culpabilisation réciproque. si les gens ont voté front national, c'est de la faute des autres, soit qu'ils aient trop parlé du front national, soit qu'ils l'aient ignoré, soit qu'ils l'aient diabolisé, soit qu'ils l'aient normalisé.
Et de fait, le Front national a été ainsi traite, tour à tour pendant trente ans. Je me souviens de l'effroi que j'avais éprouvé en voyant le parti de Le Pen obtenir 10 % aux élections européennes ... en 1984, alors que Le Pen lui-même n'avait pu se présenter à la présidentielle de 1981 et réalisé 0,75 % des voix en 1974. 
 
Hervé Le Bras, démographe. Son l'analyse géo-politique est
impatiemment attendue des spécialistes après chaque élection
Comme beaucoup, j'attends toujours avec impatience l'analyse qu'Hervé Le Bras publie régulièrement dans Libération (vous pouvez cliquer sur le lien, mais manque de pot, c'est réservé aux abonnés... dommage !) après chaque scrutin électoral. Il y a là toujours quelque chose de rassurant après l'émotion des premiers moments, quand on cherche à savoir ce que disent les urnes ... après en avoir enregistré les résultats. La raison, après l'émotion.
L'invention de la France, co-écrit par
Emmanuel Todd et Hervé Le Bras
reste un ouvrage de référence pour
comprendre l'évolution régionale de
l'opinion française.


Le problème est qu'Hervé Le Bras n'est pas vraiment rassurant. Quand il parle d'une France coupée en deux, ça n'a pas le même sens que d'habitude. Certes, le Fn n'a pas progressé partout de la même manière[1]. Hervé Le Bras signale à juste titre que c'est dans les régions en mauvaise santé économique que le FN a réalisé ses meilleurs résultats, confortant le tournant politique de Marine Le Pen qui prône, au rebours de son père, le retour de l'Etat et la dénonciation du libéralisme économique. Son électorat est d'abord éloigné des grandes agglomérations, s'inquiète de l'absence des institutions qu'il accuse de le délaisser.

De fait, le vote massif pour le Front National traduit un rejet massif des élites. Plus les élites sont éloignées, plus elles sont rejetées, mais les élites, comme le rejet, commencent très bas. Ainsi (mais ce n'est pas ce que dit Hervé Le Bras) le rejet touche bien sur les Enarques, traditionnel sujet de rejet, les politiques, mais va jusqu’au plus bas niveau des institutions, tel l'enseignement par exemple.

Cela fait justement penser que la traduction française de la crise, laisse s'acheminer chez l'individu, le sentiment que les autres auraient tout cependant qu'il n'a rien. La perte de confiance, écrit Hervé Le Bras, qu'une population accorde à son élite est lourde de menace pour l'avenir.
Alors, voilà. Moi qui, sur ce sujet comme sur tant d'autres, moi qui, comme beaucoup d'autres, me suis beaucoup trompé sur ce sujet en refusant de faire du front national l'alpha et l'omega de l'action politique, je peux vous annoncer la prochaine tenue d'un café radical sur le sujet.
Ca s'appellera sans doute : est-il possible de stopper le Front National. La date, le lieu et le nom de l'intervenant vous seront bientôt précisés.

 





[1] Signalons au passage que le score canon réalisé dans la circonscription dénommée Nord-Ouest, et qui va de la Belgique à la Basse Normandie est notamment dû à la présence de Marine Le Pen en personne comme tête de liste face à des concurrents parfaitement inconnus ... effet pervers de la limitation du cumul des mandats et du découpage de la France en circonscriptions illisibles... sur ce point, la volonté conjointe des grands partis structurants (enfin, qui l’étaient à l’époque) de marginaliser toute voix discordante s’est avérée un échec patent.

 











Hervé Le Bras 



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