jeudi 6 mars 2014

Une soirée perdue ?

J'étais pas seul l'autre soir à la Fondation Jean Jaurès pour écouter Bernard Guetta ... mais enfin, on n'était pas très nombreux.
Bernard Guetta brillantissime à la fondation
Jean Jaurès, hier soir. Une vison perspective
et précise qui s'appuie sur une connaissance
approfondie de l'Europe. 
Bizarre !...  C'était comme si on n'était pas à deux mois des européennes, c'était comme si tout allait pour le mieux en Ukraine, c'était comme si le sentiment européen était tellement évident que le discours résolument pro-européen était définitivement inutile.
Cette salle que j'ai vu pleine à tant de reprises, par exemple pour voir Piketty ou Marcel Gauchet, était à moitié vide, ce qui, compte tenu de la personnalité de l'intervenant, qui parle quand même tous les matins à France inter, et compte tenu du contexte ci-dessus décrit, n'était qu'à moitié pleine, et je n'ai eu aucun mal à me placer au premier rang. Etonnant !
Ce qu'il a dit était passionnant, comme d'habitude, plein de bon sens, mais dans la peste émotionnelle qui submerge le monde, la bonne santé a du mal à se frayer un chemin.
Le dénigrement systématique nourrit le besoin de défiance qui nous environne. Il fait vendre, il permet à la presse de survivre, il ouvre le boulevard aux promeneurs de l'apocalypses, à Mélenchon, l'ami de toutes les dictatures ou à Marine Le Pen dont Bernard Guetta a souligné les incohérences ... au delà de l'insalubrité de son discours.  
Comment disait-il peut-elle demander à se faire élire pour bloquer le processus européen tout en affirmant que celui-ci n'avance pas. Comment affirmer que celui-ci n'avance pas quand on fait le simple constat qu'il n'y a rien à voir entre l'Europe des pères fondateurs et l'Europe d'aujourd'hui. Comment critiquer l'euro, vouloir le supprimer et reprocher à l'Europe son immobilisme ?

L'Europe n'est pas une puissance qui s'ignore, c'est une puissance qui ne veut pas être

En fait, tout le monde tourne autour de l'Europe, cette puissance qui fait peur, qui est rejetée et adorée, et dont on ne peut plus dire qu'elle est une puissance qui s'ignore. L'Europe est prise entre une démarche d'helvétisation, un logique de rejet et un désir d'adhésion. Car même le rejet de l'Europe lui-même est une démonstration que l'Europe existe. On retrouve ce même rejet en Grèce, en Finlande, en Angleterre, dans toute l'Europe où se mêlent un rejet de la politique et des institutions, et où tout un chacun a tendance à rejeter sur l'Europe soit ses propres fautes, soit des fautes qui n'existent pas.
Autre exemple des progrès de l'Europe : l'importance de la négociation qui a abouti à calmer les russes en Ukraine. a ce sujet, Bernard Guetta est revenu sur la crise Georgienne et au revirement de la Pologne par exemple, qui ne voulait voir que par les Usa avant de se rendre compte que les américains ne feraient rien pour préserver la Géorgie ... ou éventuellement une Pologne dans le cas d'une crise éventuelle. Ainsi évolue l'Europe, au gré des crises, comme tour organisme vivant qui s'adapte ou disparait.
C'est hélas, ce qui la fragilise face à la mauvaise foi de ceux qui l'attaquent ou qui seraient censés la défendre.

Les restos du cœur ...

A ce sujet, Bernard Guetta cite un exemple qui m'a sidéré, et pourtant j'en avais entendu sur l'Europe et la perfidie des dirigeants occidentaux.
Vous vous souvenez des restos du cœur ?
Vous vous souvenez de tout un mouvement qu'il y a eu, dénonçant la cruauté et l'inconséquence de l'Europe qui voulait priver les associations caritatives des aides européennes ? Pour ma part, je m'en souvenais vaguement. Je pensais à une erreur de fonctionnaires européens égarés perdus dans une difficulté de traduction. Que tchi ! Il s'agissait d'une décision politique. Elle ne venait bien sur pas du parlement européen. Non ! Elle venait de deux grands dirigeants européens, qui ont été incapables d'assumer politiquement leurs décisions par la suite. Le nom de ces dirigeants courageux ? Vous les connaissez peut être : Nicolas Sarkozy (sans doute habilement conseillé par son "fidèle Patrick Buisson", et David Cameron !
Alors voilà, ce qui a fait la force de l'Europe, malgré toutes ses faiblesses, c'est sa capacité d'adaptation. Parce qu'elle n'est pas un État, les États lui font faire tout ce que les États ne peuvent pas faire. Simplement, pour que l'Europe devienne de plus en plus politique, pour qu'elle soit sous le contrôle des peuples, qu'elle acquière ce qui lui manque, il faut qu'elle ait toute la puissance que la légitimité politique peut lui donner. En votant pour ceux qui rejettent l'Europe, les peuples donneraient aux États, aux puissances financières, aux lobbies tout pouvoir pour agir contre eux au gré des intérêts particuliers. L'Europe, pour reprendre le slogan que le parti radical de gauche m'a si gentiment volé : c'est pas le problème, c'est la solution.
A nous de le faire savoir, en temps voulu, aux électeurs. Bernard Guetta suggère qu'on soit nombreux à exiger que le président de la commission européenne soit désigné par le parlement européen et non par le conseil européen qui regroupe les États. C'est un premier pas qui devra être proposé aux électeurs.
Certes, comme me le rappelait un tract proposé à la sortie et qui appelait à voter pour le candidat d'Anne Hidalgo dans le 9e, nous n'en sommes pas là. Priorité à l'actualité municipale...
Allons, trouvons quand même le temps de lire le vrai livre de Bernard Guetta. Car c'est un vrai livre, j'ai vérifié. Pas un recueil d'article par ailleurs publiés.
Bonne lecture à tous.

 
 



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