jeudi 18 octobre 2012

17 octobre 1961 - la mémoire et l'honneur

Comment ne pas insulter l'avenir si nous
ne respectons pas notre passé ?
Quand j'étais petit, j'aimais les dictionnaires. Peut-être encore plus que maintenant.
J'y lisais l'Algérie comme un département français, alors que c'était déjà fini. Pas depuis longtemps, d'accord, mais c'était fini ! Pourtant, c'était encore dans le dictionnaire ... alors, à qui se fier si le dictionnaire lui-même racontait des sottises ! 
Quand j'étais petit, je voyais des affiches : paix en Algérie. Mais je ne savais même pas où c'était, ni ce que c'était.
Quand j'étais petit, je suis passé à coté de tout ça. Mes grands frères n'étaient pas assez grands pour partir là-bas; et tout ça s'est passé quand j'étais petit.
Alors voilà. C'était la France, puissance coloniale décadente, et c'était l'Algérie, département français, qui allait devenir un État indépendant. 
Pour la France, et pour beaucoup de Français, il y avait là quelque chose d'inacceptable comme la défaite, comme la vérité pour les perdants. 
La colonisation, comme la guerre, laisse toujours des traces. Pas seulement les traces terribles des blessures et des traumatismes, les morts et les tortures, mais les traces laissées dans les population pour des générations. Cela donne parfois une Histoire officielle, laissant les victimes et leur descendances dans le mépris ... 
Toutes ces traces sont masquées par les mensonges ou les dénis, c'est la logique d'Etat, ce monstre froid dont palait Nietzsche, l'Etat qui se voudrait vérité éternelle et officielle... alors que l'Etat n'est que le fruit de nos espérances, de nos frustrations, de nos incompréhensions ...
Souvenir d'enfance ... et quelle réalité
derrière ces images ?
J'aime à penser que la vérité finit toujours par s'imposer... le but ultime étant qu'elle s'impose à ceux-là même qui avaient imposé le mensonge. 
Le 17 octobre 1961 est une date particulière dans l'histoire de la France et de l'Algérie. Une manifestation pacifique du Front de Libération National algérien y a été réprimée férocement par la police française sur ordre du gouvernement. Quand je dis férocement, ce n'est pas une image. On sait aujourd'hui qu'il y a eu plus de 200 morts... 200 ! Des corps jetés à la Seine.  On a du mal à imaginer une telle violence. Jamais depuis cette abomination une manifestation n'a été en France aussi durement réprimée... Un an plus tard, c'était l'indépendance de l'Algérie. 
C'est pour l'honneur de la France que François Hollande a fait la déclaration suivante le soir du 51e anniversaire de la manifestation qui a vu la police française répondre aux ordres de répression : 
Hollande rendant hommage aux victimes du Vel d'hiv après
Jacques Chirac, se démarquait des pratiques de Mitterrand
et de Sarkozy. La vérité, ce n'est pas la repentance.
La République, c'est le courage !
Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.
Aussitôt faite cette déclaration, la droite, ou une partie d'entre elle, s'indignait de la reconnaissance des faits par le Président de la République. 
Bienheureuse droite qui dénonce ce qu'elle appelle des actes de repentance, bien heureuse droite qui unit Le Pen et Christian Jacob ...  Bienheureuse droite qui avait reproché à Jacques Chirac de reconnaître la responsabilité de l'Etat Français dans la déportation et l'extermination des juifs durant la 2e guerre mondiale. ... 
Mais la République, comme l'être humain, ne peut s'épanouir dans le mensonge. En politique, comme dans la vie, nul ne peut progresser sans reconnaître la part sombre de notre histoire, sans savoir ce que le jour doit à la nuit.



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