mardi 30 octobre 2012

La Bpi pour les nuls ...La leçon du professeur Causse


La Banque publique d'investissement, vous n'y comprenez rien ? vous n'êtes pas le seul, ci-dessous, un cours sur le sujet par la professeur Hervé Causse. Hervé Causse m'a promis d'animer un prochain café radical sur le thème du poids et de l'organisation de la finance dans l'économie moderne... Nous l'attendons avec impatience... tant pour ceux qui ont compris l'article que pour les autres. Dans les domaines compliqués, nous avons besoin de questions naïves... dans l'attente de la soirée, nous nous efforcerons de vous répondre.


La BPI, une structure juridique atypique pour un nouveau projet d'industrie bancaire   



 
Les expériences du passé sont parfois douloureuses
La Banque publique d'investissement est l'un des grands sujets du moment. Promesse de campagne du président de la République, elle colporte l'idée que le secteur public pourrait participer d'une nouvelle vitalité du secteur bancaire. Personne ne le formule ainsi car les expériences du passé sont parfois encore douloureuses (ô Crédit Lyonnais) et parce que, depuis vingt-cinq ans, tous les gouvernements ont travaillé à uniformiser la finance sur le modèle capitaliste, en écrasant notamment les différences du secteur coopératif et en supprimant la plupart des institutions financières spécialisées (IFS qui ont, selon le Code monétaire et financier, une vocation de financement d'intérêt public, CMF, art. L. 516-1).

Il n'est en tout cas pas facile de prendre le contrepied de la pensée unique qui règne depuis des décennies.

La BPI est ainsi une façon de faire un geste, magistral, en faveur du secteur public. La finance privée, le système bancaire, qui seul a accès à la liquidité de la BCE, montre des défaillances. Personne n'ose le dire mais on se demande si on ne risque pas à tout moment une crise du crédit (pour faire bien : un credit crunch). En vérité, le problème est tellement lourd qu'il faut sans doute carrément repenser l'architecture du système bancaire pour le sécuriser (bien au-delà de la séparation des banques d'investissement et de dépôt). On est loin de s'interroger sur la structure du monde bancaire dans les milieux autorisés. Pourtant il faudra y venir et, sans doute, donner des solutions avec une profonde réforme de la structure du système bancaire, ce qui n'est pas ici le sujet.

Dans cette conjoncture de grande difficulté, la BPI est un événement de gestion notable mais non une réforme de structure. Et il faut sans doute souvent préférer la gestion que les réformes... Des structures différentes vont naître et d'autres s'y fondre, mais il ne s'agit pas ici des structures fondamentales de la finance, mais seulement de trois "établissements". Toutefois, la BPI pourrait faire naître une expertise et une autorité. La question est donc de savoir si la BPI fera preuve de créativité ou si elle continuera, le cas échéant avec des gains de productivité, l'oeuvre des trois "entités réunies".

Le projet d'industrie bancaire se résume tout de suite à regrouper CDC Entreprise, la filiale de la Caisse des dépôts), Oseo et le FSI (Fonds stratégique d'investissement). De nombreux avis sont positifs, il y a des moments de la vie de l'entreprise qui ne sont pas financés, le regroupement peut aider à combler ces manques.

Cette réunion s'opère par la création-rénovation d'un établissement public, celui de l'ordonnance de 2005 relative à Oseo, tant à l'établissement public qu'à sa SA. La BPI est donc un concept à double détente, un établissement et une SA qui aura, elle, le statut de banque. Cela est assez technique, voire complexe, et ne facilitera pas la communication politique, mais il n'est pas certain qu'il y ait besoin de communiquer dans le détail.

L'objet social et légal de la BPI est affiché outre cette dualité juridique, comme une loi commune de l'établissement public et de la SA : " Elle (la BPI) favorise par son action l’innovation, le développement et l’internationalisation des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres". Les mots innovation, développement... ne sont pas restrictifs et la BPI, à travers son entité agréée, pourra finalement faire ce qu'elle veut. La formule financement par "prêts" est maladroite car à l'entendre la BPI ne pourrait pas faire du découvert en compte ou du crédit-bail... le prêt n'est qu'un type de crédit, et le crédit qu'un type de financement (même si ce n'est pas dans les livres). La formule "fonds propre" peut-elle même susciter des doutes - mais légers - puisque tout l'art du financement réside souvent dans les quasi-fonds propres (voyez la note précédente sur l'ouvrage LBO).

L’établissement public OSEO prend le nom "Etablissement public BPI-Groupe".

L'organe opérationnel en sera une filiale, c'est l'occasion d'une transformation légale : la « société anonyme OSEO » devient la : « société anonyme BPI-Groupe ».

La "SA BPI Groupe" sera gouvernée par un conseil d'administration, son président étant déjà désigné alors que la fonction n'est pas adoptée dans la loi : c'est la politique. Au-delà, la question se posait de savoir si le président de la BPI devait être le directeur général de la CDC, ce qui a été tranché pour le cas d'espèce, mais non pour l'avenir. Ce président ne sera pas directeur général, on sait que la place a été disputée. La BPI devrait ainsi être dirigée par deux inspecteurs des finances. Outre l'Etat, la CDC et les trois administrateurs désignés pour leur compétence, dont sera issu le DG, les régions sont représentées par deux administrateurs.

On note que parmi ces 15 administrateurs il n'y a pas d'administrateurs indépendants.

La BPI est surtout marquée par un conseil d'orientation qui sera présidée par un président de conseil régional. Ce comité national d’orientation (CNO) de la société anonyme BPI-Groupe est chargé d’exprimer un avis sur les orientations stratégiques, la doctrine d’intervention et les modalités d’exercice par la société et ses filiales de ses missions d’intérêt général. Ses avis sont communiqués au conseil d’administration de la société anonyme BPI-Groupe. Voilà qui ressemble à un conseil de surveillance.    

Cette division est aussi intéressante ... que dangereuse. À être pessimiste, on pourrait dire qu'elle opposera l'ordre et le management (le CA) au volontarisme politique parfois teinté de lyrisme (le CNO), en somme un conflit entre le possible et le souhaitable.

Comment les administrateurs devront-ils prendre en compte les "avis" du CNO et des "orientateurs" ? Cette procédure n'existe pas en droit des sociétés, le conseil d'administration doit seul administrer, et ses administrateurs sont seuls responsables. Le projet de loi ne décharge pas les administrateurs de leur responsabilité à raison des avis du CNO. Les "administrateurs fonctionnaires" ne l'oublieront pas puisque certains d'entre-eux sont actuellement poursuivis dans une affaire qui a défrayé la chronique : les administrateurs devront-ils obéir au CNO ? Notamment pour favoriser l'octroi de crédits alors même que la demande risque d'être forte ? Ou devront-ils surtout regarder les ratios d'exploitation de l'établissement ?

Les deux bien entendu... répondraient quelques "proches du dossier".

Tout cela devra se faire en faisant se coordonner la culture CDC Entreprises (voyez en photo l'annuaire de ses participations), celle d'Oseo et celle du FSI. Voilà qui est un défi car, il relève des sciences pures que les rapprochements créent les frictions. Il faudra de larges vues et une grande autorité pour équilibrer et faire marcher cet ensemble pour, finalement, lui inventer un destin en partie nouveau par rapport aux activités déjà existantes. Cela, la loi n'en dit naturellement rien, mais les travaux préparatoires n'en disent pas non plus grand chose. Un important travail attend la direction et la banque du secteur privé va regarder avec attention la suite des opérations.

Créativité et inventivité seront les facteurs de la réussite à condition de sélectionner les idées réalistes augmentant le produit net bancaire sans augmenter les coûts d'exploitation. Enfin, la position politique que lui donne son contexte de création pourrait en faire un lieu de réflexion sur ce que doit être un pôle de financement public et, sur ce que doit être le système bancaire. Le sujet n'a même pas été posé, alors qu'il y en eu cent débats et cent textes sur la finance de marché.

mercredi 24 octobre 2012

Réalité cachée de la guerre ... un article et un colloque

Le café radical avait invité en mars Marlène Peyrutie, présidente de l'association Terre et paix pour évoquer les blessures cachées de la guerre.
Le travail persistant de l'association a réussi à capter l'attention des médias, et un grand article est paru dans le quotidien le Monde sur le sujet que l'on peut consulter en cliquant là.
L'article sur une double page fait référence à un colloque qui se tient à Paris sur le sujet.




Depuis que j'ai été informé de ce problème, je n'ai cessé de dire que la prise en compte des blessures psychiques nous obligeait à repenser le problème de la guerre dans nos sociétés modernes, et dans celle si nouvelle, si extra-ordinaire laissée par l'Europe, la grande Europe, prix Nobel de la paix, qui laisse un continent à l'abri de la guerre et de la dictature sur son sol depuis 70 ans.
Je voudrais simplement sans vouloir me mêler des réflexions qui vont alimenter le débat.
Nous avons beau être à l'abri de la guerre, al guerre "est toujours présente. D'abord, parce que, comme poursuite de la politique par d'autres moyens que la politique (Clausewitz), elle est forcément présente derrière toute négociation ou toute réalité d'État.
Images de la Résistance en France. On note la jeunesse des
combattants ... derrière une adolescence héroïque, il y aura
toute une vise qui portera la reconnaissance sociale et souvent
les blessures intimes.
Depuis que j'ai lancé localement le débat, j'ai été surpris des témoignages recueillis... d'autant plus surpris que ce sont des témoignages que je n'ai pas cherché. Il sont venus comme ça, au fil de l'eau, au coeur des conversations. je m'attendais à avoir des souvenirs d'Algérie .. mais non ... Rien de précis de ce côté là. J'ai eu des témoignages de ...  la Résistance.  
ces témoignages d'ailleurs ne venaient pas de témoins directs ... mais de descendants direct, d'enfants de résistants, avec des profils par ailleurs semblables. Enfants, maltraités par leur père, soit battus, soit méprisés ... alors que leur père donnait l'apparence d'une bonne insertion sociale. Cadre à la poste, ouvrier, militants syndicalistes ... mais tous les deux à ce point marqués qu'ils étaient incapables de jouer leur rôle de père, c'est à dire qu'au delà de l'insertion sociale, la vie normale leur était impossible.
Et c'est d'ailleurs ce qui me sidère. Non, à part l'indignation d'un ancien combattant d'Algérie, qui s'indignait que l'on s'apitoie sur le sort de soldats volontaires et rémunérés, les témoignages que j'ai eu me provenait d'expériences intimes vécues non par des soldats, mais par des fils de Résistants.
Or, en principe, on ne peut pas faire plus volontaire qu'un résistant. En France, on en peut pas faire plus glorieux... parce qu'on sait qu'ils ont été rares, les Résistants, et qu'ils ont été encensés.

Images d'une ville bombardée en Syrie. Au delà des murs, ce
sont des femmes et des hommes, combattants on victimes
qu'il faudra reconstruire.
Mais cependant, quelles que soient les circonstances, la guerre est une chose terrible, qui rompt avec les principes de la vie sociale.
Les jeunes adolescents, qui par conviction pure et dure, qui par connaissance et besoin d'agir, qui parce que, ayant refusé le STO (Service du Travail Obligatoire, imposé par le régime de Pétain) ont rejoint les réseaux  de la résistance, se sont retrouvés plongés dans le vide de l'expérience militaire, de la clandestinité, de la torture et de la mort qu'ils ont côtoyé au quotidien, qu'ils aient à la subir ou à la pratiquer. Et de cette expérience, ils ont été, pour la plupart , incapables de parler ... et c'est simplement leurs enfants qui peuvent , des dizaines d'années après l'évoquer.
N'est ce pas une leçon terrible sur l'humanité.
La Résistance a pratiquement disparu du paysage politique , même si elle a façonné la France de l'après-guerre. Mais elle continue à laissé des traces, qui dépassent largement son aspect marginal. A comparer avec ce qui se passe en Syrie, où la guerre civile a pris une ampleur terrible qui n'épargne aucun habitant, qui déchire les communautés, les villes, les villages et les familles ... on ne peut que se demander ce qu'il restera des individus, et de la manière dont ce qui se relèvera  du champ de ruines, sera capable de cicatriser les blessures profondes au delà de la nécessaire façade politique,

mardi 23 octobre 2012

Une douce musique s'élève et des gens se rendent compte !

Vendredi 19 octobre 2012. A mon avis, le plus bel événement
réalisé par la municipalité Martin depuis 17 ans.
Il y a 17 ans, lorsque j'ai été alerté sur l'état de délabrement de l'école de musique, je ne savais pas quoi faire.
C'était quelques profs qui appelaient au secours, qui de fait, se montraient peu exigeants et demandaient le minimum pour pouvoir travailler
Je venais d'être nommé directeur de cabinet de Franck Martin, qui venait de prendre la tête de la municipalité de Louviers, nous étions face à une telle série d'urgences et de besoin d'agir, lors même qu'aucun budget n'avait été voté.
Les demandes étaient multiples et ne portaient pas que sur la structure de l'équipement, mais celui-ci jouait un rôle essentiel dans cette dépression latente dans laquelle ces jeunes enseignants refusaient de se complaire.

Une architecture grandiose, un croisement des
personnes au croisement de l'ancien et du moderne.
Je ne suis pas musicien. Je veux dire j'aime la musique, comme tout le monde, et il n'est pas besoin d'être musicien d'ailleurs pour comprendre que l'enseignement musical nécessite des salles insonorisées.
Pas besoin non plus d'être restaurateur du patrimoine pour comprendre que Louviers était en train de laisser s'écrouler une part majeure de son passé. Parce que voilà, l'école de musique était au cloître des Pénitents depuis que Proust, dans les années 80, avait décidé de récupérer le Manoir de Bigards, lieu de sédition idéologique.
Voilà comment, sans aucun projet, l'école de musique, pompeusement baptisée conservatoire, avait été envoyée dans l'un des lieux les plus extraordinaire de la ville  ... sauf que ce lieu tombait en ruine.


Plus d'un millier prêts à danser sous la pluie.

Il hébergeait d'ailleurs quelques personnes dans des conditions vétustes, qui avaient imposées leur déménagement, laissant le lieu vacant et assez bon pour l'enseignement artistique selon l'ancienne municipalité ...  qui d'ailleurs ne disposait pas d'adjoint à la culture.
Voilà à quoi je ne pouvais m'empêcher de penser au milieu du gros millier de personnes qui ont assisté à la plus belle soirée à laquelle il m'ait été donné d'assister depuis 17 ans à Louviers.
À l'image de Franck Martin dans son discours inaugural, il n'y avait de ma part aucune rancoeur à l'égard de l'ancienne municipalité, ou à l'égard de ceux qui se sont opposés au projet de l'extrême droite à l'extrême gauche, mais bien plutôt une joie de faire fonctionner sa mémoire et de se rappeler le chemin parcouru... Tout en rappelant que nous n'oublions pas !
Pas question ici de revenir sur les multiples péripéties du chantier qui épousent le travail patient et tenace de Franck Martin et  sa municipalité qui ont fait de Louviers la capitale culturelle de l'Eure ...
Et à quoi mesure-t-on que Louviers est une capitale culturelle ? au delà des chiffres consacrés à la culture, au delà des statistiques de fréquentation du rapport coût/avantage des équipements et des actions, Louviers a réussi ce vendredi soir à dégager une telle joie, une telle ferveur,et une telle présence, un tel enrichissement par le bonheur dégagé dans ce mariage de l'architecture, de la mise en valeur du patrimoine ancien, de la créativité musicale, chorégraphique et plastique, qu'on était dans la culture en acte. Dans la certitude que ce qu'on recevait était le fruit de ce que l'humanité a construit patiemment depuis des siècles. Un fruit délicieux qu'on garde en bouche à jamais.
Un dernier mot cependant ... puisque j'ai lourdement fait allusion à l'histoire de cet équipement. Voilà. je m'en voudrais de ne pas aller un peu plus loin.
Rappeler que le cloître des Pénitents, a d'abord été un cloître, créé par la confrérie des pénitents et qui représentait déjà un exploit et une particularité architecturale puisqu'il était construit sur l'eau, et que c'est le seul en Europe.
Après la Révolution, ce lieu est devenu une prison ...  puis une maison de correction. Avant d'être une école de garçon et de devenir un lieu en mal de sens.
Bref, le cloître des Pénitents, qui vient de devenir le lieu le plus beau de Louviers, a hésité entre les fonctions de prière et de répression, situé entre le tribunal et l'église ... avant que la culture ne lui donne sa nouvelle dimension, une ouverture au Ciel, magnifiquement représenté par l'animation qui ornait le Ciel de lumières et le corps des spectateurs de plumes obligeamment dispersés par les Anges.
Grâce à la Culture, Louviers est sortie de la pénitence.









dimanche 21 octobre 2012

la jeunesse mendésienne

7 mois et 17 jours ... la durée rapportée par la Bible
de la fin de la pluie diluvienne jusqu'à l'échouage
de l'arche sur le mont Ararat. Ici, l'illustration de
Gustave Doré
Ceux qui pensent qu'ils comprendront tout de Pierre Mendès France, de la ville de Louviers et des liens entre la ville et le grand homme, seront terriblement déçus. 
L'exposition Pierre Mendès France, un homme d'Etat Républicain  est à la hauteur du personnage, de la ville, et du lien qui les unit : elle est riche et mystérieuse. 
Ici, vous ne trouverez pas ce que vous attendiez, et vous trouverez ce que vous n'attendez pas.


"Il faut que nous soyons le parti qui tient parole" sous cette
citation de Mendès, Franck Martin, maire de Louviers, inaugure
l'exposition qui est la première à lui être consacrée dans la ville.
La filiation va cependant bien au delà de l'exigence de vérité.


Michel Mendès France, le fils de Pierre est un personnage facétieux. Il n'est pas seulement le fils de son père. C'est l'un des plus grands mathématiciens français, même si ce n'est pas à ce titre qu'il était invité à inaugurer l'exposition. 
Michel Mendès France est assurément, parmi ceux qui travaillent sur la mémoire du grand homme, l'un de ceux qui le connaissent le mieux, qui allient à l'affectif et à l'admiration, la connaissance et la dimension intime. 
Or, contre toute attente, lors de la longue série de discours, que chaque intervenant tâchait de rendre le plus court et distrayant possible, Michel Mendès France a fait allusion à la Bible en faisant le rapport entre le temps passé au pouvoir par son père et celui passé par les occupants de l'Arche entre le temps où la pluie a cessé et l'échouage sur le mont Ararat.

Ce n'est pas la seule clef laissée par le fils du grand homme pour comprendre le personnage. Dans la Dépêche, l'hebdomadaire local, qui a d'ailleurs joué un rôle majeur dans les campagnes électorales lovériennes et de celles de son père en particulier, Michel Mendès France parle de l'attachement de son père à la ville. Il raconte comment, notamment, alors qu'il était aviateur, pendant la guerre, il avait largué, geste gratuit, quelques exemplaires de l'ouvrage qu'il venait d'écrire. 
Ici, à mon avis, en entre dans le rapport difficile mais réel entre la dimension internationale de Mendès France et sa dimension locale, lovérienne.
Mitterrand et Mendès sur une même caricature, ce dernier
 assimilé à Louviers. L'identification de la ville au grand homme
ou du grand homme à la ville n'a jamais été démonstrative ...
Il s'agit pourtant de liens inaliénables.  
Entre Louviers et Pierre Mendès France, c'est une histoire d'amour. On ne peut pas l'expliquer autrement, donc on ne peut pas l'expliquer du tout. La ville a été choisie par Mendès France, et ses travaux d'approche ont tout de suite marché. Ne l'oublions pas ! Bien sur, la campagne électorale de 1932 fait froid dans le dos. On y ressent douloureusement l'antisémitisme ouvert d'Alexandre Duval, l'adversaire de Pierre Mendès France, par ailleurs représentatif de l'esprit de l'époque, quelques années avant la prise de pouvoir de Pétain. Mais ce combat, Pierre Mendès France l'a gagné et cette victoire a fait de lui le plus jeune député de France. Comment ne pas vouer une reconnaissance éternelle à Louviers.
Et comment une petite ville pourrait elle résister à la fierté de devenir un centre d'intérêt national, voire international. 
Mendès France n'a peut-être pas été ce qu'il est convenu d'appeler un grand maire. Ce n'était d’ailleurs pas la mode à l'époque, les grands maires. Il a malgré tout marqué le virage économique de la cité, réussissant notamment la mutation de la ville, la faisant passer de la production textile à l'industrie moderne. 
Tant que l'on en est aux signes, d'ailleurs, comment ne pas être ébranlé par la coïncidence de date entre le 18 juin 1954, entrée en fonction de Pierre Mendès France, nommé par l'assemblée Président du Conseil et le 18 juin, entrée en fonction de Franck Martin, élu à la tête de la liste qui allait le nommer maire en 1995. 
Il n'est pas question ici de se lancer dans une bataille ésotérique ... mais de parler d'amour, d'une façon beaucoup plus simple et beaucoup plus complexe. 
Il n'y a pas de politique sans affect, bien sur, mais entre Mendès-France et Louviers, ça a été bien au delà. 
D'abord, parce que Mendès France a finalement quitté deux fois la ville, la première lors de la guerre, où il s'est imposé par une conduite héroïque, la seconde, en 1958 à la suite d'une défaite électorale, dont il ne s'est jamais remis, et dont la ville ne s'est pas remise non plus. 
Interview de Michel Mendès France  dans la Dépêche de Louviers.  Ici, en photo avec Franck
Martin, actuel maire de Louviers, deux aspects de la filiation.
C'est vrai qu'en dehors des mendésistes qui ont maintenu l'équipe de Pierre Mendès-France aux commandes de la ville en l'absence du grand homme, le mendésisme lui-même ne s'est pas maintenu. 
C'est simplement la présence du grand homme qui s'est maintenu. 
Pierre Mendès France n'a jamais été avare d'écrits, ni de pensées. Il s'est réclamé du radicalisme, il s'est réclamé du socialisme, sans être jamais capable d'entrer dans la machine qui allait devenir le parti socialiste. 
Pierre Mendès France a vécu, a épousé une époque dangereuse, horrible et magnifique. Il est de cette génération qui a vaincu le nazisme et a créé les bases de la décolonisation, de la création de l'Europe et de la mutation de l'Etat français. Il n'a pas vécu l'écroulement du socialisme, mais toujours il s'est battu sur les principes immuables de la République, la liberté, l'égalité, la fraternité dans une démarche universaliste, celle qui lui a permis de jouer un rôle déterminant dans la mise à mort du colonialisme. 
Quel rapport, me direz-vous avec l'action municipale à Louviers, celle qui, de 1965 à 1969, de 1976 à 1983, de 1995 à nos jours, a joué une partition novatrice, moderne et hardie ? 
Peut-être n'y en a t-il pas ? 
Je ne veux pas le croire. On ne fait pas des chiens avec des chats. Au delà des valeurs républicaines, l'action mendésiste s'appuie sur un constant amour de la vérité. La vérité n'est pas seulement un respect de l'électeur, elle est aussi une façon de penser, et parallèlement une façon d'agir. La filiation est là, dans l'action.
On cherche, et donc on pense ... et si on pense quelque chose, on le dit, et on le fait. 
C'est ce qui a fait que les 7 mois et 17 jours ont eu un tel impact sur la politique française, laissant la trace la plus vivante de la 4e République .... mais au delà, Mendès-France a laissé une empreinte pérenne au cœur  de la ville. 
N'oublions pas, Pierre Mendès France a eu une jeunesse marquante. Premier partout, premier en tout. Il est plus jeune député de France, il a 32 ans quand il rejoint le général de Gaulle et qu'il un comportement combattant exemplaire. Il quitte ses mandats à Louviers à 51 ans. Il lui aura laissé l'empreinte de la jeunesse... et pas la nostalgie de son action.

Au delà de l'image d'un homme d'une grande rigueur, ce grand économiste était aussi un bagarreur, un chercheur, et un homme curieux de l'homme, attaché de manière irréfragable aux valeurs républicaines et à l'énergie de la jeunesse. Cette marque du combat, de la recherche et de l'attachement aux valeurs humanistes que l'on retrouve au delà des pratiques et des époques dans les politiques d'Ernest Martin, d'Henri Fromentin et de Franck Martin.

jeudi 18 octobre 2012

17 octobre 1961 - la mémoire et l'honneur

Comment ne pas insulter l'avenir si nous
ne respectons pas notre passé ?
Quand j'étais petit, j'aimais les dictionnaires. Peut-être encore plus que maintenant.
J'y lisais l'Algérie comme un département français, alors que c'était déjà fini. Pas depuis longtemps, d'accord, mais c'était fini ! Pourtant, c'était encore dans le dictionnaire ... alors, à qui se fier si le dictionnaire lui-même racontait des sottises ! 
Quand j'étais petit, je voyais des affiches : paix en Algérie. Mais je ne savais même pas où c'était, ni ce que c'était.
Quand j'étais petit, je suis passé à coté de tout ça. Mes grands frères n'étaient pas assez grands pour partir là-bas; et tout ça s'est passé quand j'étais petit.
Alors voilà. C'était la France, puissance coloniale décadente, et c'était l'Algérie, département français, qui allait devenir un État indépendant. 
Pour la France, et pour beaucoup de Français, il y avait là quelque chose d'inacceptable comme la défaite, comme la vérité pour les perdants. 
La colonisation, comme la guerre, laisse toujours des traces. Pas seulement les traces terribles des blessures et des traumatismes, les morts et les tortures, mais les traces laissées dans les population pour des générations. Cela donne parfois une Histoire officielle, laissant les victimes et leur descendances dans le mépris ... 
Toutes ces traces sont masquées par les mensonges ou les dénis, c'est la logique d'Etat, ce monstre froid dont palait Nietzsche, l'Etat qui se voudrait vérité éternelle et officielle... alors que l'Etat n'est que le fruit de nos espérances, de nos frustrations, de nos incompréhensions ...
Souvenir d'enfance ... et quelle réalité
derrière ces images ?
J'aime à penser que la vérité finit toujours par s'imposer... le but ultime étant qu'elle s'impose à ceux-là même qui avaient imposé le mensonge. 
Le 17 octobre 1961 est une date particulière dans l'histoire de la France et de l'Algérie. Une manifestation pacifique du Front de Libération National algérien y a été réprimée férocement par la police française sur ordre du gouvernement. Quand je dis férocement, ce n'est pas une image. On sait aujourd'hui qu'il y a eu plus de 200 morts... 200 ! Des corps jetés à la Seine.  On a du mal à imaginer une telle violence. Jamais depuis cette abomination une manifestation n'a été en France aussi durement réprimée... Un an plus tard, c'était l'indépendance de l'Algérie. 
C'est pour l'honneur de la France que François Hollande a fait la déclaration suivante le soir du 51e anniversaire de la manifestation qui a vu la police française répondre aux ordres de répression : 
Hollande rendant hommage aux victimes du Vel d'hiv après
Jacques Chirac, se démarquait des pratiques de Mitterrand
et de Sarkozy. La vérité, ce n'est pas la repentance.
La République, c'est le courage !
Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.
Aussitôt faite cette déclaration, la droite, ou une partie d'entre elle, s'indignait de la reconnaissance des faits par le Président de la République. 
Bienheureuse droite qui dénonce ce qu'elle appelle des actes de repentance, bien heureuse droite qui unit Le Pen et Christian Jacob ...  Bienheureuse droite qui avait reproché à Jacques Chirac de reconnaître la responsabilité de l'Etat Français dans la déportation et l'extermination des juifs durant la 2e guerre mondiale. ... 
Mais la République, comme l'être humain, ne peut s'épanouir dans le mensonge. En politique, comme dans la vie, nul ne peut progresser sans reconnaître la part sombre de notre histoire, sans savoir ce que le jour doit à la nuit.



lundi 15 octobre 2012

légalisation du cannabis, le débat ne peut que ressurgir

Peillon et Ayrault à Aubevoye, à la rentrée 2012. Sans doute
le problème posé par Peillon arrive au mauvais moment ... Il
n'empêche, Peillon l'a très bien posé.
Ce n'est pas d'hier et Peillon a eu beau s'être fait taper sur les doigts, la légalisation de la pratique et de la vente du cannabis reviendra sur le devant de l'actualité.
Il y a 13,8 millions de français qui ont consommé du cannabis, qui sont donc susceptibles d'effectuer des peines de prison en France.  Le simple usage peut conduire à une peine allant jusqu'à un an d’emprisonnement pouvant s'accompagner ou être substituée par une amende allant jusqu'à 3 750 €.  Imagine-t-on le coût pour État et pour la société d'appliquer toutes ces peines ?

On ne l'imagine pas. Pourquoi ? Parce que c'est inimaginable ! alors, on se contente d'utiliser cette législation inepte comme moyen de coercition dans les quartiers, tout en se gardant bien de l'utiliser contre les gens bien insérés... Un non sens du point de vue de la justice.


Jean-Michel Baylet dans les primaires avait posé clairement
l'importance et l'actualité du problème, tout en soulignant qu'il
n'avait personnellement jamais fumé le moindre joint. 
J'ai adoré pendant la campagne des primaires que ce soit Jean-Michel Baylet qui ait repris le flambeau de la légalisation de l'usage du cannabis.
Cela dit, je comprends bien la réaction du premier ministre. Évoquer la dépénalisation du cannabis sous la pression de l'actualité au moment où une élue verte se trouve impliquée dans une sale histoire peut être mal perçu. Bien sur, la droite en fait des gorges chaudes... avec une indécence qu'elle n'a pas toujours eu ! A-t-on attaqué la droite à cause des violences conjugales dont est soupçonné Éric Raoult, l'ancien ministre UMP, en disant qu'on y voyait bien là la volonté d'un retour en arrière sur le droit des femmes ... Débile ! .. enfin, je ne prends là comme exemple que le plus récent fourni par une actualité assez riche en ce qui concerne l'UMP.


En arrivant au chiffre de 13,8 millions
de consommateurs, donc de délinquants,
la politique répressive a montré sa totale
inefficacité.
D'ailleurs, la réflexion  que peut inspirer la mise en examen de Florence Lamblin (certes élue verte, mais beaucoup moins emblématique des Verts que ne peut l'être Éric Raoult de l'UMP) est premièrement qu'il s'agit d'une affaire complexe, qu'elle ne touche pas à la consommation, mais au fait du poids du blanchiment de la drogue sur le monde financier .. ce qui n'est qu'un aspect des choses, mais pousse au contraire les mafias de tout poil à se battre contre la légalisation puisque le marché lui échapperait.

Bref, qu'on prenne le problème par n'importe quel bout, il n'y a plus aucune raison de s'opposer à la légalisation du cannabis. Que ce soit au niveau de la lutte contre la corruption, de la justice, de l'évolution de la société et même de la santé publique !
Eh oui ! Parce que le principal argument avancé par les tenants de la prohibition est celle de la santé publique. Bien sur, le haschich et ses dérivés sont mauvais pour la santé (enfin, sauf exception, mais le débat nous entraînerait trop loin .. je veux dire, l'opium est mauvais pour la santé aussi, mais est utilisé comme traitement contre la douleur, par exemple ...), et en particulier pour la jeunesse. Bien !
Mais quel valeur a cet argument quand on a 13 millions de personnes qui ont expérimenté le haschich et plus d'un million qui en est un consommateur régulier. Cela veut juste dire qu'il faut faire autre chose que de l'interdire mais qu'il faut le réglementer avec intelligence... comme il est fait avec l'alcool et le tabac. 
A la société, à l'Etat de définir la réglementation de l'usage. 
Ouvrons le débat public.  







vendredi 12 octobre 2012

Merci Oslo, et vive l'Europe !

"Putain, putain, c'est vachement bien,
on est quand même tous des européens ! " Arno
Les bonheurs sont toujours trop rares et je reçois le prix Nobel de la paix comme une récompense personnelle à partager avec 502.519.978 européens.
Ce n'est pas le cas de tout le monde, visiblement, ce qui m'oblige à m'expliquer un peu...
"-  Comment ? Entends-je, alors que l'Europe en crise, asservit les peuples, n'est-ce pas de l'humour noir que de récompenser l'Europe ?"
Je dois dire, moi aussi, comme tout le monde, j'ai été surpris par le choix de voit décerné le prix Nobel à l'Union Européenne.Mais, heureusement surpris, et pas longtemps.
D'abord, parce que depuis sa naissance, dans un contexte incroyablement difficile, l'Europe a résolu énormément de crises sans guerre et sans dictature ! ça peut en chagriner certains, mais moi, ça me réjouit. Et je ne suis pas le seul (ci joint le point de vue de mon amie Dominique Boy Mottard sur son bloen cliquant ).
Bien sur, l'Europe traverse une crise économique. En rendre l'Union Européenne responsable n'a pas de sens. C'est même pour l'instant le vrai problème, c'est qu'elle n'a pas de politique, et c'est ce qui la soumet aux puissances financières... seulement, même en absence de politique elle a réussi à éviter les guerres. Comme dit la chanson, c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup !
Qu'on se rappelle comment a été résolue la dernière crise économique : par la deuxième guerre mondiale, tout simplement parce que la crise a laissé monter les nationalismes...
Voilà pourquoi tous les oiseaux de malheur m'effraient dans leur chasse au bouc émissaire.
Alors que les pourfendeurs du traîté annonçaient vouloir plus d'Europe, le discours deveint de plus en plus évident et de plus en plus dangereux. On en vient à être incapable de reconnaître les mérites de l'Euroep.

Si la guerre est la continuation de la politique avec d'autres
moyens que la politique, alors la paix, c'est la politique,
 c'est à dire le moyen de résoudre les conflits sans faire parler
les armes. Ce miracle européen dure depuis 60 ans.
Je l'ai dit pluseiurs fois, que cela vienne de Mélenchon et du Front national, le rejet de l'Euroep s'appuie sur un modèle politque et économique heureusement dépassé : celui de la France puissance coloniale pouvant s'appuyer sur un marché interne élargi.
Ce modèle, outre qu'il est obsolète, ne saurait mériter un prix Nobel, ni même celui de Chavez ou de Fidel Castro si chers à Mélenchon.
La reconnaissance par les Norvégiens (qui n'ont jamais voulu intégrer l'Europe) de ce que l'Euroep a apporté au monde n'est pas une  mince affaire. Elle est simplement l'aveu de la reconnaissance de l'action politique et de ses moyens dans la mesure où il ne faut jamais oublier la terrible définition de Clausewitz : la guerre est la continuation de la politique, avec d'autres moyens que la politique.

L'immense sollitude de Priollaud

Il ne faut pas rire de François-Xavier Priollaud !
François-Xavier Priollaud
Qui peut lui en vouloir ?
Qui peut en vouloir ?


Je sais, la tâche n'est pas facile, mais un adversaire doit toujours être pris au sérieux, quelques soient ses erreurs, ses errements et ses manquements. Il faut aussi se mettre dans la tête que quand il dit des bêtises, ce n'est pas exprès pour nous faire rire.

On sait que le grand problème de Priollaud[1] est précisément qu'il n'a aucun point de chute, et par là même aucune existence politique. Son seul fait d'arme aux yeux de la droite locale, est de s'être ramassé contre François Loncle aux dernières législatives.

François-Xavier Priollaud cherche à se présenter comme élu local, mais rien dans ses fonctions ne lui donne légitimité à intervenir sur les dossiers locaux, ceux qui permettent d'agir sur la vie quotidienne des gens.

Que faire alors ... si ce n'est éplucher la presse locale et les comptes-rendus de conseils municipaux dans la solitude de son bureau ?

Il se trouve que la Dépêche de la semaine dernière a reproduit cette citation de Franck Martin lors du dernier conseil municipal : «au milieu on ne devrait pas être trop mal ».

Aussitôt, notre Priollaud sort son épuisette, croyant avoir ferré le poisson de l'année !

Confondant milieu et centre, Priollaud se lance dans une improbable explication de texte.


Quelques lignes dans la Dépêche du 11 octobre 2012,
la meilleure des récompenses pour l'aspirant en politique
Là où Borloo, Bayrou se cassent les dents, après Lecanuet et Giscard, François-Xavier Priollaud revisite le centre introuvable, et explique pourquoi Franck Martin n'est pas centriste... ce qu'il n'a d'ailleurs jamais revendiqué !

Et pourquoi Franck Martin n'est pas centriste ? Parce qu'il fait construire une école de musique et un centre aquatique, et qu'une part du financement de ces équipements provient de la fiscalité des entreprises !

Certains attendaient du centriste parachuté une légère élévation du niveau de réflexion de la droite locale. François-Xavier Priollaud, en dévidant son chapelet de sornettes ne fait que révèle sa solitude que pour mieux plonger dans l'isolement.

Spectacle désolant pour les humanistes que nous sommes, adversaires de la double-peine.

 






[1] Rendons-lui grâce du fait qu'il est conseiller régional. C’est là le fruit d’un combat interne obtenu grâce au bon vouloir puis à la démission d'Hervé Morin.




 
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mardi 9 octobre 2012

Françoise Laborde, prix de la laïcité

Françoise Laborde, Sénatrice, était venue à Louviers animer
un café radical sur le difficile problème des retraites.
La voici lauréate du prix de la laïcité, sujet brûlant d'actualité.
 
Françoise Laborde, Sénatrice de la Haute-Garonne, a reçu le Prix 2012 de
la Laïcité, décerné par le Comité Laïcité République, le 8 octobre.
Cette distinction récompense l'auteur de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 17 janvier et visant à étendre aux structures d'accueil de la petite enfance de la petite enfance l'obligation de neutralité tant philosophique, politique que religieuse, qui doit maintenant être
adoptée à l'Assemblée nationale pour être promulguée.


« La laïcité est un principe constitutionnel d’organisation de notre République. Elle
assure les conditions d’un vivre ensemble apaisé dans le respect mutuel
de notre diversité et de la liberté de chacun » a-t-elle déclaré.


« Mon mandat parlementaire me donne la responsabilité de contribuer à
faire les lois. Je l’assume en parfaite cohérence avec les valeurs
laïques que je tiens à transmettre aux générations futures, celles du
Parti radical de Gauche.

En tant qu’élue du Parti Radical de Gauche et vice-présidente de la
Délégation aux Droits des Femmes du Sénat, elle s’engage à chaque
occasion en faveur de la liberté d’expression et de l’égalité des
droits, deux valeurs parfaitement complémentaires du principe de
laïcité. Elle organise régulièrement des débats consacrés à cette
question, à Paris et en Haute-Garonne. Lors des votes du Sénat, elle a
soutenu l’instauration d’une journée nationale de la Laïcité, le 9
décembre, et s’est opposée à la loi Carle sur le financement des écoles
privées.

Elle tient à associer à ce Prix 2012, l’association EGALE, Égalité
Laïcité Europe, avec laquelle elle a participé à la réalisation du
premier Dictionnaire de la Laïcité, en 2011, et d’un fascicule
pédagogique qui paraîtra fin 2012. Cette nomination s’inscrit dans la
continuité du Prix attribué, en 2011, à Mme Natalia Baleato, directrice
de la crèche Baby Loup, à laquelle elle rend hommage pour son courage.

Le café radical avait accueilli Françoise Laborde le 26 mai 2010. elle avait alors animé une soirée-débat sur le difficile sujet des retraites. Le café radical adresse à notre amie Françoise ses plus vives félicitations.

dimanche 7 octobre 2012

Actualité d'Alain.

Un titre un peu abscons, mais une terrible
actualité...
Il faut être curieux d'Alain, comme Alain était curieux de nous.
Pour en savoir plus sur Alain, il est vrai malheureusement disparu des écrans radars de la pensée, voilà ce qu'en dit wikipédia)
C'est ce qui m'a poussé à acheter "L'instituteur et le sorbonagre", publié aux éditions des Mille et une Nuits. L'avantage de cette édition réside notamment que pour 4 €, le risque du mauvais achat ne se paye pas si cher que ça. 
Mais bon, si je n'avais que ça a dire, je n'aurais pas pris la peine d'en dire quoi que ce soit sur mon blog...
Que sont ces textes réunis en un peu plus de 100 petites pages ? Tout simplement les éditos livrés par le grand philosophe  à Paris Normandie (ne l'oublions pas Alain a enseigné au lycée Corneille de Rouen). 
Ils sont, ces textes, écrits il y a 100 ans, d'une terrible actualité, malheureusement !
Écrits au lendemain de la loi de séparation de l'église et de l'Etat, ils règlent leur compte à tout ce qui porte à une morale laïque ! Pas question dit il que l'Etat vienne se substituer à l'église ... ça c'est pour le débat public qui a empoissonné la pré-rentrée scolaire et qui a provoqué un consensus bien-pensant dans notre société en quête de valeurs... Mais la quête perpétuelle, pour Alain, c'est précisément ce qui est intéressant. 
Ce qui est intéressant aussi, c'est que la façon dont le penseur s'attaque précisément à tous les consensus, et à tout ce qui peut conforter une société qui s'engonce dans ses certitudes, et notamment dans le domaine de l'enseignement. Bien avant que l'on évoque la lourdeur du mammouth, icône de l'Education Nationale, il dénonce la fatuité d'un corps enseignant, dont il est pourtant un bel exemple et qu'il décrit comme intrinsèquement pervers. 
Le but ultime de la société enseignante est de se reproduire, et sa hiérarchisation est créée en fonction de sa capacité à se pérenniser. Plus on est élevé dans le monde enseignant et plus on va se préserver, plus on va noter, et moins on a d'intérêt à transmettre, le but étant de sélectionner les enseignés en gardant ceux qui sont le plus à même de répéter comme des perroquets ce qu'on vient de leur dire. Il s'agit d'une attaque frontale contre le corporatisme du corps enseignant.
C'est d'ailleurs pourquoi il oppose l'instituteur, figure républicaine par excellence, confrontée à la réalité de la transmission et celle du grand professeur à la Sorbonne (ce qu'était pourtant Alain). L'un est obligé de se remettre en cause de manière permanente, alors que le Sorbonagre, ne fait que remettre en cause tout ce qui risque de porter atteinte à son statut. C'est la préfiguration de Bourdieu, vu d'une manière amusante et concise, puisqu'il s'agissait juste, répétons-le d'éditoriaux dans un quotidien régional.
Bien sur, cette vision  du monde enseignant n'est qu'une caricature ! Mais, comme une caricature, elle souligne les défauts d'une profession... Le fait qu'un siècle plus tard cette projection ne soit pas dépassée peut inquiéter... En tous les cas, elle ne rend que plus aiguë et urgente la remise en cause de notre système éducatif, si représentatif des lourdeurs de notre société française.

vendredi 5 octobre 2012

Ne reportez pas les élections locales ...

Jean-Pierre Bel, président du Sénat, a été le premier
 à proposer le report à 2015 des élections régionales
 et départementales. Invité aux États généraux de la
démocratie territoriale, François Hollande a validé
.cette proposition deux jours plus tard.
... ou alors, reportez-les toutes !


François Hollande vient de déclarer qu'il souhaitait le report des élections régionales et départementales. Cette nouvelle va satisfaire de nombreux conseillers généraux et régionaux mais ce n'est une bonne chose pour personne et pas pour l'avenir des collectivités locales.
Le prétexte évoqué ne fait ne convainc personne. Parait-il qu'on vote trop l'an prochain, entre élections sénatoriales, européennes et ... municipales !
Déjà l'UMP, pourtant prévenue, s'étrangle devant cette atteinte à démocratie ! Elle n'est pourtant pas la mieux placée pour donner des leçons. Je m'explique.
Le fait même de placer sur le même plan élections sénatoriales, européennes et municipales n'a pas de sens.
Les sénatoriales sont des élections visant à la représentation nationale mais ne touchent que quelques électeurs, malheureusement[1] !  Une élection déplaçant en septembre 0,3 % (3 pour mille !)  du corps électoral n’aurait donc pas de conséquence sur la gêne ressentie par la société française … même si on peut le regretter. Reste, le cas des élections européennes, qui ont lieu en juin, qui ont un sens politique, mais ne sauraient être confondues avec des élections locales.
Enfin, il y a le cas des municipales, mais alors là, on est dans le contre argument. Pourquoi ? Petit rappel des faits.
A la suite du grand œuvre socialiste des lois de décentralisation de 1982, il a été décidé de découper le territoire national en autant de collectivités territoriales dans un ensemble cohérent et égalitaire de pouvoir et de décision. Le maire, le président du conseil général, le président du conseil général devaient être en principe élu pour 6 ans,  selon des modalités semblables avec un même pouvoir de compétence général[2].  

Pierre Joxe, qui a mon avis a été le plus grand ministre de l’intérieur que la France ait porté depuis Clemenceau, avait fixé la route. Bien sur, si tous les élus locaux ont le même statut, si toutes les élections locales sont égales, le peuple français doit décider en même temps de leur composition.


Pierre Joxe, une référence de la gauche française. Il avait en tant
 que ministre de l'intérieur, mis en oeuvre un calendrier qui aurait 
provoqué la concomitance de toutes les élections locales,
communales, départementales et régionales. La droite a sabordé le
projet pour des raisons électoralistes, la gauche a embrayé et la
cohérence du projet tombe à l'eau. Qu'est ce qui reste ?

C’est seulement à ce titre que l’on se doit de reporter à plus loin l’organisation des élections locales. En effet, le conseiller territorial, cet oiseau hybride inventé par Sarkozy est mort né.
Il faut donc réorganiser les élections départementales.
C’est ce à quoi s’emploie d’ailleurs le gouvernement. Et pour cela, c’est vrai, il faut du temps. Alors, allons y franchement et donnons aux collectivités locales une vraie force et un vrai statut dans une logique fédérale et non dans un flou représentatif d’un émiettement des pouvoirs.
La modernisation de la démocratie locale passe par son développement et sa visibilité. Il est temps d’achever le premier chapitre de la décentralisation en concentrant sur un seul scrutin les élections locales.  
 



[1] J'ai dit dans mon discours au congrès du prg à quel point le monde d'élection aux élections sénatoriales était archaïque. Il faut supprimer les grands électeurs, rémanence archaïque du suffrage censitaire. Il n'y a aucune raison que l'ancrage locale du µSénat soit décidé par quelques notables. Tout le monde a son mot à dire là dessus et c'est pourquoi je propose que l'élection des sénateurs ait lieu par circonscription.
 
[2] C’est pour cette raison que l’on a d’ailleurs provoqué la concomitance de dates entre certaines élections cantonales et municipales ou régionales. La suite voulait que l’on amène les scrutins départementaux à avoir lieu de même jour de façon d'éviter dette absurdité d’un renouvellement par moitié des conseils généraux. L’avantage est bien sur qu’une fois décidé de la composition des exécutifs locaux, ce choix ait lieu en continuité pour 6 ans en évitant l’émiettement des choix et en renforçant leur politisation.