mardi 28 février 2012

On n'est pas aidé ...

http://www.scribd.com/doc/83063797/Portrait-de-Franck-Martin-Liberation
Pourquoi les articles de la presse parisienne sont-ils si décevants lorsqu'ils traitent de l'action politique locale ? Certes, on attendait peut-être un peu trop de l'article paru dans le Libération de ce matin 28 février 2012, dans la rubrique Portrait.
en même temps, c'est en soi un évènement. Le maire de Louviers, la ville de Louviers qui fait l'objet d'une rubrique nationale, on ne va pas cracher dessus. Dans cette rubrique, par ailleurs assez sympathique, les personnalités politiques sont rarement traitées, et les politiques locaux encore moins. Cependant, très vite on se rend compte que le choix dudit portrait fait suite à celui de Tf1 qui a choisi la ville de Louviers comme représentation de la ville moyenne...
Il reste que l'article est non seulement blessant mais profondément décevant.
Tout simplement parce que rien ne permet à la lecture de l'article de percevoir ce que c'est que l'action locale, de ce que c'est qu'une ville, une ville qui bouge, et que rien ne permet de percevoir l'intérêt et la dimension politique d'une municipalité et d'un maire, en gros le sens de l'engagement de Franck Martin.
Le paysage socio-politique lovérien a été transformé en profondeur par Franck Martin, en 17 ans ... cela aurait pu intéresser n'importe quel lecteur parce que la manière dont cela s'est produit, le rapport aux circonstances,  à l'histoire des lieux et des gens, à tout ce qui fait une ville et qui fait que n'importe quel humain aurait pu se reconnaître,et au lieu de ça on retombe dans les clichés sordides du maire-notable qui se retrouve à la tête d'une collectivité, on ne sait pas comment et qui tire un profit personnel de la situation. Bref, on transforme le savoir-faire et l'excellence du métier de maire, au plaisir pris dans ce travail si particulier, si riche au service d'une population et d'un territoire en un exercice vulgaire... au service d'un bonhomme.
Sans doute on trouvera dans cette démarche de Libération, à la manière d'un petit film mené par Canal +, une volonté de contrepoids de l'action menée par tf1 .... Dommage ! Si l'on ne peut taxer tf1 d'une démarche révolutionnaire, et si l'on peut même y voir un arrière-fond réactionnaire déstiné à rechercher une satisfaction moyenne auprès d'une ville moyenne, au moins tf1 a-t-il eu une démarche professionnelle et cohérente.
Il n'y a pas plus de ville moyenne que de classe moyenne. Chaque ville à son histoire, sa population et le terme de classe moyenne regroupe un ensemble de comportement sociaux intégrés dans une société et qui la font vivre ... mais ce monde là mérite toute notre attention cependant, comme ces villes qui bougent et qui font évoluer aussi le corps politique, c'est à dire notre corps. De ce point de vue, déolé de le dire, la démarche de tf1 est infiniment plus progressiste que celle de ses détracteurs ricanants. Au moins tf1 a-t-il la vision d'une ville réelle, avec ses retraités, ses demandeurs d'emplois, ses chefs d'entreprises, ses jeunes, ses vieux, une ville quoi, avec ses destins, avec son histoire et son projet politique , au sens noble...
Certes, l'ironie est partie intégrante de notre culture politique, elle est le sel et le levain de notre pensée ... mais elle perd forcément de sa vigueur dans la connivence convenue. Il est temps de se rendre compte que la décentralisation de 1982 a bouleversé la politique locale.





2e épisode : la (re)naissance d'un territoire

Résumé de l'épisode précédent : l'émiettement des pouvoirs est allé au bout de sa logique pernicieuse. En 1995, le changement de majorité à Louviers esquisse les prémices d'une intercommunalité de projets avec le rapprochement de Louviers, Val de Reuil et Incarville.

Restait cependant à construire le projet et à configurer l'intercommunalité. Qui ensemble, pour faire quoi ? En gros, c'est ce que l'Administration, dans son génie, a dénommé l'intérêt communautaire.
Or l'intérêt communautaire était difficile à définir pour deux raisons : la première était qu'on vivait autour de Louviers dans une culture de l'isolement communal (mieux vaut un petit chez soi qu'un grand chez les autres), et la deuxième provenait de ce qu'on était dans un territoire peu évident.
Si l'on comparait l'agglomération de Rouen ou d'Elbeuf (qui n'avaient pas encore fusionné) on avait une ville centre entourée d'une banlieue conséquente ... Rien de ce type autour de Louviers. Bien que cette commune soit un pôle important, réunissant collèges et lycées, équipements structurant, jamais ni Pont de l'Arche, ni Val de Reuil, ni aucune autre commune n'aurait pu être considérée comme une banlieue...
Et pourtant !
Pourtant, la notion de bassin de vie est une évidence, tant les déplacements domicile, travail, loisirs, vie scolaire se situent dans un même cadre et nécessitent une réflexion sur l'organisation du territoire.
Plusieurs éléments en soulignent la réalité, et je ne prendrais que quelques exemples qui sont autant de clins d'oeil de l'histoire.
En 1992, le Pacte urbain, structure intercommunale est créée à l'initiative de l'éphémère ministre de la Ville François Loncle (le député de la circonscription remplace Bernard Tapie qui vient de créer le ministère avant d'être remercié du gouvernement). Il s'agit sans doute de faire verser quelques subsides dans la circonscription qui l'a élu député. N'empêche, cette structure méprisée par Odile Proust et Bernard Leroy, dans un territoire largement dominé par la droite, se voit présidée par Paulette Lecureux, maire socialiste de Pont de l'Arche. Ce sera la première expérience intercommunale sur un territoire qui amène les communes allant de Louviers au Vaudreuil et à Pont de l'Arche à travailler ensemble. Déjà on relie les deux cantons de Louviers, de Pont de l'Arche et de Val de Reuil.
Autre clin d'oeil, cette carte des 4 cantons sera la même que celle réorganisant les paroisses pour les besoins pratiques d'une église en perte de vitesse. Les paroisses, ancêtres des communes, montraient le chemin d'une intercommunalité.
Ce n'est pas tout, car d'un point de vue historique, depuis le moyen âge, Pont de l'Arche et Louviers se sont succédé en tant que juridiction ... mais sans doute le point d'orgue de leur complémentarité politique est-il donné lorsque Pierre Mendès France, alors maire de Louviers choisit de se faire élire sur le canton de Pont de l'Arche.
M'enfin toute cette série d'anecdote ne doit pas faire oublier que la création même de Val de Reuil était la reconnaissance d'un besoin de structuration de ce territoire mal défini.
Au départ Etablissement public du Vaudreuil, cette création de l'Etat devait imposer une métropole (retenez bien ce nom !) d'équilibre à 20 km au sud de Rouen. A y réfléchir, tous ces éléments démontrent que quelque chose était à construire autour de ce qui est devenu, après bien des difficultés l'agglomération Seine-Eure.
La réussite du projet,le fait qu'il se soit imposé après deux contrats d'agglomération et le dixième anniversaire de la structure, le quinzième du début des démarches intercommunales montre la réalité d'un territoire qui n'aurait jamais pu s'imposer si facilement dans le cas contraire ... même si, bien sûr, sans le travail et la volonté de Franck Martin, ce territoire serait probablement passé à coté de sa propre histoire.
à suivre ...
Prochain épisode : le travail de Franck Martin

lundi 27 février 2012

modèle allemand ?



Les Présidentielles, c'est pas qu'en France. On a d'autant plus tendance à l'oublier que les présidentielles en Allemagne (je vais parler de l'Allemagne) n'ont qu'un aspect anecdotique.
Seulement les anecdotes ont un sens, bien entendu, et méritent, surtout en politique, interprétation.
Alors qu'on nous bassine depuis des années avec le modèle allemand, ce drôle d'événement nous ramène à la "vraie réalité"... Vous avez en vignette, une femme de stature internationale, qui vient de se déclarer candidate à la présidence de la République allemande : Mme Beate Klarsfeld.
En fait, autant vous dire carrément ce à quoi je veux en venir : les histoires allemandes et françaises sont terriblement imbriqués, mais aucun pays ne peut servir de modèle à l'autre.
Maintenant, je raconte l'histoire, cette Histoire qui a de terribles relents...
Commençons par le plus léger. Beate Klarsfeld est la maman du petit Arno. Arno Klarsfeld, cette personnalité people et bafouillante, qui a choisi de se mettre au service de Nicolas Sarkozy après avoir lancé la mode des avocats en patin à roulettes ...
M'enfin, on n'est pas là pour parler d'Arno .... Même si, sur le plan médiatique, Arno Klarsfeld avait jusqu'à ces derniers temps largement pris la place de ses parents, au point qu'on se serait demandé ce qu'ils étaient devenus.
Bref, où en étais je ?
Bon, retraçons l'histoire ... ou les histoires.
Nous avons une élection présidentielle en France, qui nous préoccupe ... mais nous avons aussi une élection présidentielle en Allemagne, pour des raisons très différentes. En Allemagne, répétons-le, le président de la République est une autorité morale ... et c'est pourquoi le Président de la République a dû démissionner pour une histoire de prêt bancaire indûment accordé qui fait penser à celle de Pierre Bérégovoy ... et bref, le Président de la République, choisi par Angela Merkel, est contraint à la démission. Du coup, on en appelle bien logiquement à une personnalité qui semble irréprochable et sur lequel les parlementaires allemands pensaient trouver consensus avant que la susdite Angela n'impose une autre personnalité marquée à droite : Christian Wulff. Justement celui qui à dû démissionner.
Back to the future, donc ! Angela Merkel a dû manger son chapeau et revenir sur son choix en proposant Joachim Gauck, le candidat déjà proposé par son opposition. Il s'agit d'un ancien pasteur qui, au moment de la réunification avait été chargé de l'ouverture des archives de la terrible Stasi, la police politique de l'Allemagne de l'Est, sous le régime politique communiste de la RDA, sous influence soviétique.
Ici, nous quittons le domaine anecdotique pour rentrer dans le dur. Rappelons que la Stasi a été à l'origine de la mise sous éteignoir de toute une population, s'appuyant sur un système de délation aussi sophistiqué qu'efficace et qui se trouve magnifiquement décrit dans le très beau film "La vie des autres"... La Stasi, c'étaient des gens parfois conduits à la mort, à la torture, à la prison en tous les cas et toute une population sous surveillance... Et un régime exécré ... Au point que le parti au pouvoir en Allemagne de l'Est a dû changer de nom, de leader et a cherché à se refaire une virginité ...
Or, qui lui a offert cette virginité, la frange de gauche du SPD, le parti socialiste allemand ... une frange de gauche, lancée par un Oskar Lafontaine, grand inspirateur de Mélenchon ... Parce qu'il n'y a pas que Sarkozy qui a son modèle allemand... Et la gauche du parti socialiste allemand a quitté celui-ci pour faire alliance avec les communistes ...
Bien sur, en France, ce n'est pas la même chose. Nous avons eu le bonheur de ne pas connaître la même histoire. Nous n'avons pas eu à vivre 44 ans de dictature communiste après 12 ans de dictature nazie...
Mais quand même, et justement ! Die Linke, équivalent allemand du Front de gauche, a éprouvé le besoin de s'opposer à la candidature qui faisait consensus ... Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il était insupportable pour les anciens communistes de soutenir la candidature de celui qui avait largement contribué à la reconstruction d'une nouvelle Allemagne, capable d'affronter la vérité de ses passés !
Et c'est là qu'intervient Beate Klarsfeld, personnalité irréprochable jusqu'à il y a quelques heures, qui a choisi d'endosser les habits de la honte.
Aucune critique vis à vis des communistes qui la soutiennent et qui s'opposent à la vérité historique... La seule critique vient sur le point de vue pro-palestinien de "die Linke"... Comme quoi Die Linke  elle même cherchaient juste une personnalité cacher leurs turpitudes.

Bien sur, tout cela peut paraître éloigné des débats sur le modèle allemand qui concernent essentiellement les domaines politiques et économiques... mais voilà, s'il n'y a pas de modèles, il y a des histoires et des influences. Il n'y a nulle part de modèle, il y a simplement un regard indispensable que nous devons avoir sur notre environnement, sur notre passé et. ceux des autres ... si nous voulons avoir un avenir en commun.

samedi 18 février 2012

On a retrouvé Richard ...

Al Pacino, est un grand acteur américain mais est davantage connu comme star internationale. Ce n'est pas la même chose. On peut être star sans être un grand comédien. On peut être grand comédien sans être star.
Al Pacino a souhaité mettre en scène l'une des pièces de théâtre de William Shakespeare les plus connues en Angleterre et les moins connues en France, Richard III. Cette pièce est aussi très peu connue aux Etats-Unis. Et c'est à partir de cette méconnaissance qu'Al Pacino a éprouvé le besoin de faire un film Looking for Richard (A la recherche de Richard) qui a durablement marqué mon esprit.
J'avais malgré tout un peu oublié ce film avant d'aller voir le magnifique Henri VI, autre pièce de théâtre de Wiliam Shakespeare, présenté à Louviers par la Scène Nationale. La pièce est mise en scène par Thomas Jolly, jeune Rouennais qui promet beaucoup et a déjà eu droit à la critique littéraire du Monde. Bref ! Je ne vais pas plus loin sur le sujet qui en vaut la peine, mais je veux en revenir à une réflexion plus générale sur notre théâtre, précisément entamée par Al Pacino dans son film déjà ancien (1996).
En fait, si je connaissais Richard III, personnellement, c'était grâce à Luky Luke, et une vignette où l'on voit un comédien déclamer sur un tréteau devant un public de western la réplique la plus fameuse de la pièce : Mon royaume pour un cheval ! ... l'image d'après est celle de ce même comédien, couvert de plumes et de goudron, les mains attachées derrière le dos, enfourché sur un canasson et contraint de quitter la ville ... caricature de l'approche culturelle des pionniers créateurs des Etats Unis d'Amérique dans une sorte d'imagerie d'Epinal... passons ... Au moins Richard III était il grâce à Goscinny et Morris entrés à jamais dans mon imaginaire !
En fait, l'une des questions était : comment est il possible que Richard III, soit plus jouée en Angleterre que Hamlet ou même Roméo et Juliette ?
Or, effectivement, si cela peut sembler inimaginable pour un états-unien ou un français normal, la réponse à la question est toutefois évidente, et comme toute réponse à une bonne question, elle amène d'autres questions.
Richard III est une pièce de théâtre comme nous n'en avons pas eu en France ! C'est un monument de théâtre historique ! Richard III est un théâtre d'intrigue où le roi est présenté comme un horrible personnage capable de tuer toute sa famille pour parvenir au pouvoir et qui subit à la fin une mort odieuse... Ce personnage est un personnage historique, donc politique,  qui n'aura régné que deux ans. Il est né en même temps que Léonard de Vinci, un siècle avant Shakespeare 
Parce que voilà : en France, nous n'avons pas d'équivalent. Je en parle pas de ce dont il est habituellement question, à savoir du grand délire du théâtre shakespearien, qui ose toutes les situations, toutes les contradictions et toutes les complications scéniques, ce que n'a jamais offert le théâtre classique à la Française, et pour cause !
En fait, le théâtre français classique s'est, par nature, interdit l'Histoire, je veux dire l'Histoire proche, celle qui nous parle, et qui parle du pouvoir tel qu'il est. En fait, la pièce historique la plus connue, celle où l'on entend le bruit des canons n'est autre que le Cid, un classique, certes magnifique, mais qui nous parle de la reconquête espagnole qui eut lieu dans un autre pays que le notre, et où l'héroïsme guerrier ne remet pas en question le pouvoir en France...
Car telle est la France, dans sa construction éternelle et mentale. Elle est face à un pouvoir légitime de toute éternité, qu'il est impossible de remettre en question sans paraître affreusement grossier et éloigné d'une démarche culturelle.
Je pense pour ma part que cela est dû à notre histoire bien différente de celle de l'Angleterre. Cette Nation  n'a pas eu le pouvoir d'ignorer son passé, ses luttes de clan, sa cosntruction... Le pouvoir, chez nous est de fait attribué à Dieu, de Rome et l'Eglise ... même s'il a été conquis par le sang et le canon. Une fois acquis, il s'intègre dans une tradition incontestable.
En Angleterre, quelques années avant Shakespeare, la rupture avec Rome était consommée, permettant l'éclosion du théâtre Elisabetain... sans équivalent dans le reste du monde...
La France a connu les bonheurs du théâtre de cour, qui a d'ailleurs donné lieu à la politique culturelle française, exception mondiale. Mais le théâtre remettant en cause notre Histoire n'ajamais existé... On peut même, si l'on considère le cinéma comme la poursuite de notre théâtre, expliquer ainsi notre difficulté à filmer notre propre Histoire, jusqu’à trois siècles après. Les américains ont fait bien des films sur leurs guerres, sur leur Vietnam, toujours bien avant les français et là en est sans doute la cause.
En fait, il a fallu l'avènement de la République et la fin de l'ancien régime pour que les romans historiques d'Alexandre Dumas puissent s'ouvrir au succès.
Alors, voilà, nous n'avons pas d'équivalent. On peut dire : oui, bien sur, mais enfin, Shakespeare, c'est des histoires d'Anglais ... c'est pas faux ...
mais c'est pas complètement juste ! Il n'est d'ailleurs que d'aller voir le merveilleux Henri VI mis en scène par Thomas Jolly pour s'en rendre compte. L'un des personnages les plus extraordinaires de cette pièce qui mérite tous les superlatifs n'est autre que notre chère Jeanne d'Arc, vue par les Anglais évidemment, mais que l'on voit brûler sur scène ... C'est bien sur une manière de voir notre propre histoire dans le miroir des Anglais (est-ce par effet de miroir que les Anglais roulent à gauche ?) ... qui nous est effectivement une leçon.
Je ne vais pas aller plus loin, si ce n'est pour recommander à tous de se rendre aux prochaines représentations de ce génial Henri VI... Je le fais en rappelant que Henri VI est une oeuvre démesurée (elle est divisée en 3 pièces et dans son intégralité demanderait au moins 12 heures de spectacle ... ). La version expurgée de Thomas Jolly prend 8 heures de scènes, en deux spectacles de 4 heures) mais on ne s'y ennuie pas une seconde.
prochaines représentations :
15 et 16 mars à Mont Saint Aignan,
12 mai, Grand-Quevilly (Théâtre Charles Dullin)