samedi 25 septembre 2010

Quartiers brisés ... notes de lecture

Notes de lecture sur l'ouvrage de Jacques Caron Quartier brisé, habitants spoliés, éditions Non lieu :

Jacques Caron situe sa démarche politique à partir de sa personne, de son histoire, c'est de la plus grande honnêteté et c'est passionnant pour le lecteur.

Au lieu d'une approche théorique de la politique de la ville, nous avons l'approche d'un militant, élu d'une association de locataire, qui devient très vite adjoint à l'urbanisme de la ville d'Evreux en 1977 sous la municipalité Plaisance. Derrière cette histoire personnelle, il y a toute l'histoire d'un quartier neuf, qui va structurer la vie politique ébroïcienne à partir d'une population nouvelle, qui a soif de convivialité, de participation, d'avenir et d'action.

Voilà qui donne à la Madeleine et à la problématique de la ville un éclairage tout particulier. On est loin de l'image misérabiliste de quartiers qui ne seraient bons qu'à détruire dans le cadre d'une conscience charitable...

Le livre commence donc par la démarche introspective de Jacques Caron, avec de réels bonheurs d'écriture, je n'en retiens qu'un seul : écrire est un moyen de retrouver le sommeil.

Gardez votre colère

Jacques Caron est un militant. Incapable de se notabiliser après avoir été des années adjoint au maire et représentant des locataires dans les organismes départementaux, il a fait face aux incompréhensions de ses collègues élus, de fonctionnaires d'Etat, parfois de fonctionnaires territoriaux... mais le fond de son engagement, il le doit aux habitants, à ses voisins, à ses idées. On le sait, Jacques Caron est celui qui déclare qu'on ne démissionne jamais. On sent chez lui l’incapacité à renoncer à ses idées ou de se défaire des engagements vis-à-vis d’une population qui l’a élu.

Et pourtant, il n'y a pas eu de cadeau pour lui dans son engagement. Son livre commence par la campagne municipale récente de 2008 … ce retour permet de vibrer sur des événements récents vu du coté des perdants, mais là n'est pas pour lui la vraie défaite. Ce qui lui tient à cœur sera écarté du programme de la liste à laquelle il appartient... celle de Rachid Mammeri, estampillée PS, le parti de Jacques Caron. Rien sur les quartiers, rien sur son quartier, alors que la Madeleine a été au centre de l'actualité 3 ans auparavant. Et voilà que pour ses convictions, Jacques Caron va perdre des amis militants. Conseiller municipal, chargé du chauffage urbain pendant 41 ans. Jacques Caron a des idées qui dérangent et qui s'appuient sur la réalité quotidienne de ses voisins. Sa solution pour les quartiers n'est pas spectaculaire. "Nos quartiers ne s'en sortiront qu'avec un peu moins de gaspillage et un peu plus de démocratie".

L'errance continue. Jacques ne comprend pas qu'on détruise en 2004, de bons immeubles construits en 1977 avec les conséquences que cela suppose.

Jacques Caron marche. Sur fond de faits divers abominables. On se souvient de l’assassinat d’un jeune homme à La Madeleine et de la stigmatisation du quartier qui a suivi … L’occasion de justifier la transformation du quartier... sauf, le père de la victime n’habite pas dans les grandes tours, mais dans un logement à coté, censé servir de modèle …et le meurtrier habite une zone pavillonnaire à proximité...

De mauvaises réponses à de bonnes questions

et de bonnes réponses à de faux problèmes,

Sur les quartiers, tout le monde s'est trompé et notamment Rolland Plaisance qui voyait l'axe Evreux-Orléans, comme le cœur et l'avenir du quartier ... Il s'agit d'une erreur historique, celle que tout le monde a fait. Rolland Plaisance est revenu dessus.

Jacques Caron a des inquiétudes depuis le début. Il sait que les travaux commencés auront pour conséquence une augmentation des loyers et une augmentation des charges...Le préfet répond par un mensonge : "si les locataires ne peuvent pas payer, l’état paiera".

L’Anru devait permettre la mixité du quartier, c’est le contraire qui s’est produit.

L’Anru organise la pénurie de logement….ce n’est pas l’État qui paie mais le locataire, le contribuable local … Le 1% logement avait pour but de promouvoir le logement social... il est selon Jacques Caron dévoyé de ses buts en favorisant une mixité sociale qui est financée par les moins fortunés ...

L'errance continue. Jacques Caron ne supporte pas les travaux qui déstructurent déjà le quartier. Les camions bennes ne peuvent plus circuler, un détail ….

Le contre-pied de Jacques Caron

Jacques Caron soutient le modèle de l’habitat collectif La promotion du modèle pavillonnaire amène à un rejet encore plus fort de l’habitat collectif...

Il dénonce le rôle déterminant des banquiers dans la politique du logement social (je laisse le lecteur à l’ouvrage de Jacques Caron pour la démonstration par les chiffres) pour obtenir des aides … Pour obtenir des subventions, on rejette les offices d’hlm privés qui permettent un dépassement du plafond et on laisse ensemble les bas revenus. Fin de la mixité annoncée.

Jacques Caron dénonce aussi l'escroquerie de la zone franche. Censée amener de l’emploi pour les habitants de la Madeleine, elle a juste permis aux entreprises, parmi lesquelles les médecins, notaires du centre ville, mais aucun habitant de la Madeleine n’a profité de la mesure et le quartier continue à s’isoler socialement alors que la solution, c’est l’emploi !

La gestion des organismes hlm : une question très politique

« Le Gip phare de la Madeleine ne marche pas parce qu’aucun élu n’a jamais voulu qu’il marche », ce sont les propos de Guy Lefranc, élu de l'équipe Debré/Nicolas sur la tentative d'une démarche originale pour la gestion des travaux... mais un GIP, groupement d'intérêt public n'a de sens que dans le cadre d'une démarche politique volontariste... Or, la démarche sur les quartiers ne peut être réussie que si les politiques ne considèrent pas les politiques d'Etat comme le moyen d'obtenir des subventions...

C'est peut-être cette incompréhension même qui a valu à Jacques Caron de perdre ses délégations d'adjoint en 1998, 3 ans avant les municipales perdues par la gauche en 2001...

Tout cela, et bien d'autres choses encore, Jacques Caron, en parlera et approfondira le sujet lors du prochain café radical vendredi 1er octobre, confrontant son expérience avec celle de Ghislaine Baudet, adjointe à l'urbanisme de la ville de Louviers.

Jacques Caron m'a chaleureusement remercié de lui offrir la parole, alors que son propre parti lui a refusé... Mais nous, on n'est pas comme ça au café radical. Il suffit que quelqu'un ait quelque chose à dire pour qu'on lui donne la parole ...

PS (c'est le cas de le dire) : notre ami Jacques Caron dédicacera son ouvrage nécessaire à la fin du café radical...

Vendredi 1er octobre à 18h30, brasserie "le jardin de Bigards", 39 rue du quai à Louviers

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