lundi 17 novembre 2008

l’irresponsabilité de certains dirigeants a poussé à ce choc absurde

Le café radical a transmis de temps en temps les avis de Pierre Moscovici, qui portaient un timide éclairage sur les préparatifs du congrès de Reims. Il refusait le choix d'un chef.
On a longtemps cru au café, qu'il s'agissait là du choix porté par son chef Dominique Strauss Kahn, avant de se rendre compte que celui-ci avait d'autres soucis et qu'il était incapable de tenir ses troupes.


Bref !

Le point de vue de Pierre Moscovici, s'il n'est pas le notre, apporte une intelligence sur le devenir du parti socialiste et de la gauche. De cela, nous sommes preneur. Il refuse en tous les cas de se ranger au côté des fabiusiens dans un suicidaire Front Anti-Royal. Le malheur n'excuse pas tout.




Le Congrès de Reims s’est conclu sur un échec retentissant, il s’est achevé sans que se dégage une orientation politique majoritaire, sans synthèse, après s’être déroulé dans la tension. Je ne vais pas revenir ici sur le film : vous avez suivi, heure par heure, la dramaturgie de cette catastrophe annoncée. Le Parti socialiste est en crise, il a montré aux Français sa face sombre, au moment où Sarkozy paradait au G20 – une rencontre d’ailleurs moins fructueuse qu’il ne l’espérait et ne l’a dit. Saurons-nous nous ressaisir ?
L’enjeu de la semaine qui s’ouvre, décisive pour l’avenir de la gauche, est là. Je veux plutôt revenir sur les causes de ce désastre, et expliciter ma position sur les choix qui nous attendent.
C’est un grand tort que d’avoir raison trop tôt : c’était le titre des mémoires d’Edgar Faure, emprunté je crois à Turgot. Reconnaissez-le, je vous ai décrit, jour après jour, la mécanique perverse d’un Congrès d’échec. À cela, je vois trois raisons principales.

La première tient à nos « institutions », nos règles. Celles-ci superposent un parlementarisme absolu – la proportionnelle intégrale pour l’élection de nos instances – tel que celui de la IVe République, et le présidentialisme total – le vote des militants pour désigner le premier secrétaire – sur le mode de la Ve. Cette combinaison détonante porte le double risque de la fragmentation et de la division : nous pouvons, après Reims, avoir les deux.

Deuxième cause, liée : la tentation de la présidentialisation du parti. J’avais prédit que celle-ci, dans un contexte où s’affrontaient plusieurs personnalités fortes, mais dont aucune ne fait naturellement l’unanimité, ne pouvait que déboucher sur un choc violent et nullement conclusif : quel que soit le résultat de vendredi, le match continuera. En attendant, cela ne facilite pas la remise au travail collectif pour laquelle j’ai tant milité.

Troisième facteur, enfin : l’irresponsabilité de certains dirigeants, qui ont poussé à ce choc absurde. On comprendra que je sois plus particulièrement critique à l’égard de ceux qui ont cassé sciemment, méthodiquement, la famille sociale-démocrate qui aurait pu, unie, jouer un rôle central dans ce Congrès. Mais foin du ressentiment : c’est une impasse générale qui a abouti à la triste fin, que vous connaissez, de la commission des résolutions du Congrès de Reims.
Alors, que faire ?
J’ai été, vous le savez, un acteur très sollicité de ce Congrès. Je me suis efforcé d’y jouer un rôle stabilisateur, j’ai été évoqué ici et là comme une solution, j’ai refusé de choisir entre le « TSS » et le « tout pour Ségolène ». La motion A ne sera pas présente dans le vote qui vient : Bertrand Delanoë n’a pas souhaité ajouter la confusion à la confusion, et vivre une nouvelle épreuve face au risque d’une coalition hostile, je le comprends. Mais cette situation est pour nous délicate, indéniablement, car dans ce Congrès, il était notre candidat, le seul. Comment affronter cette passe difficile ? J’ai, pour cela, trois convictions. D’abord, je ne souhaite pas - après en avoir parlé avec liberté et amitié à Bertrand, qui admet ma position comme j’accepte la sienne - donner de consigne de vote. Je demande que ce soit compris et respecté. C’est pour moi le résultat logique de ce dur week-end. En effet, si un choix, plutôt qu’un autre, s’était dégagé avec netteté, le Congrès de Reims se serait conclu autrement, et nous aurions participé à une majorité ou à une autre. Je voterai, bien sûr, je choisirai au premier tour, j’éliminerai au second – en fonction aussi, d’ailleurs, de ce que diront les candidats cette semaine. Que chacun le fasse en son âme et conscience, à partir de ses analyses et engagements, sans condamner celui qui ne pense pas comme lui : c’est ce que je suggère à tous ceux qui veulent bien m’écouter, me suivre parfois. ...

Vendredi au plus tard, le PS aura un leader, légitime mais fragile, mais il n’aura pas de direction. Il nous reviendra, alors, d’être les avocats de ce qui aura le plus manqué dans ce Congrès terrible : l’attachement à l’unité des socialistes, le réformisme conséquent, la cohérence des comportements. C’est ce pourquoi je me bats depuis des années. C’est ce pourquoi j’ai milité ... depuis 2007. C’est ce pourquoi je vais continuer à me battre, avec mes amis ...

La politique est une longue patience : j’en ai, je suis combatif, et je n’ai pas peur de l’ascèse. Je ne renonce pas à avoir, finalement, raison… à l’heure.


Pierre MOSCOVICI

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