mercredi 22 octobre 2008

Des perspectives radicales




De l'avis général , le forum de la gauche et des écologistes n'a pas été un grand succès. En fait, les Etats majors à gauche sont dans l'expectative. Coté PS, on est dans la préparation du congrès, coté verts, on prépare les européennes, coté PC, on ne sait toujours pas où on est et finalement, quand il y a une réflexion à avoir, qui s'est qui s'y colle ? Les Radicaux !
Et Jean Michel Baylet en particulier qui fait le forcing pour que la gauche construise une politique alternative.
Si la crtise doit avoir un effet positif, c'est bien celui du retour du politique...
En attendant, le café radical vous transmet le discours de Jean Michel Baylet ! Un beau dicours qui ouvre aux débats ... par exemple à celui qui s'ouvre vendredi 31 au café radical à Louviers.
Venez nombreux ... on parlera des conséquences très pratiques de la crise et on reprécisera à la demande les mots qui manquent : Bretton Woods, Keynes, les subprimes ...et plus si affinités


INTERVENTION DE JEAN-MICHEL BAYLET, PRESIDENT DU PARTI RADICAL DE GAUCHE AU FORUM DE LA GAUCHE ET DES ECOLOGISTES SUR LA CRISE ECONOMIQUE(PARIS LE 21 OCTOBRE 2008)

Mes chers amis, mes chers amis de la gauche enfin réunie,

Oui, j’ai voulu souligner le fait que nous sommes enfin réunis car je crois que nos concitoyens attendent depuis des semaines, depuis des mois que la gauche exprime enfin un point de vue commun et porteur d’espérance sur la crise inédite que traverse le système capitaliste.

Quant à l’aspect strictement financier – je dirais symptomatique – de cette crise, nous avons adopté des positions divergentes. Le Parti Radical de Gauche assume la sienne : le plan européen d’aide aux banques, c’est-à-dire d’aide à tous les épargnants et de retour à la confiance, était tout à fait indispensable. Pour autant, en l’approuvant nous n’avons donné aucun quitus à la doctrine économique libérale ni à la politique sociale du gouvernement français. Nous avons seulement pris nos responsabilité s à l’égard de la communauté nationale, comme il était normal de le faire.

Pour aujourd’hui, et si je peux corriger légèrement l’intitulé de notre invitation, nous sommes priés d’élaborer un terme nouveau et alternatif à l’idéologie libérale qui se donne à voir avec toutes ses conséquences déjà constatées ou facilement prévisibles : à supposer la crise financière dépassée –ce qui n’est pas acquis-, une très grave récession économique se profile en raison du manque d’oxygène dont pâtit l’économie qu’on appelle désormais réelle, mais aussi à cause des choix spécifiquement nationaux quin’ont été dictés que par une vision dogmatique de la situation et des attentes de notre pays.

L’avons-nous assez dit ? L’option du bouclier fiscal, l’atteinte aux services publics (en premier lieu l’Education Nationale et, plus récemment, La Poste), les menaces sur le Code du travail et tous les a priori sur les vertus du libéralisme à l’américaine, une Amérique de Reagan et Bush, ont placé notre pays dans une situation spécialement défavorable.

Mais les Français ne nous attendent pas là : il ne sert à rien de soumettre au diagnostic ce qui est passible d’ autopsie. Nous devons proposer des
remèdes et une autre voie.

J’en étonnerai plus d’un de ceux qui nous ont reproché de faire cavalier seul dans la phase récente, en signifiant la volonté radicale d’une gauche à la fois unie et totalement rénovée par les gages que je veux donner ici à des propositions émanant des autres familles progressistes.

A nos amis Verts je veux dire que nous sommes reconnaissants –et Michel Crépeau l’était déjà- à la pensée écologique d’avoir contesté l’équation abusive entre la croissance quantitative et le progrès humain, cette assimilation venue du positivisme et du scientisme alors justifiée mais qu’il nous faut reconsidérer aujourd’hui. Et avec eux j’estime que les critères des aides publiques à l’économie mais aussi du commerce international doivent être demain des critères environnementaux, sociaux et démocratiques.

J’ai entendu aussi la proposition communiste de constituer, autour de la Caisse des Dépôts, de la Caisse d’Epargne et de La Poste, un pôle financier d’un type nouveau orienté vers l’aide à la création d’emplois, l’innovation et l’exportation, en clair vers le gisement de richesses insuffisamment exploité des PME. C’est une idée que les radicaux avaient déjà émise au Sénat au plus fort de la crise financière.

Pour leur part, nos amis du MRC disent depuis longtemps que, dans sa configuration actuelle, l’Europe ne répond pas aux attentes de nosconcitoyens, qu’elle souffre d’insuffisance politique et d’un excès de technicité. Eh bien les radicaux, fédéralistes européens convaincus en sont d’accord et n’ont cessé de le dire tout en refusant de jeter le bébé Europe avec l’eau du bain de la Banque centrale. La séquence que nous avons vécue voilà huit jours prouve à l’évidence que la volonté politique peut s’imposer au laisser-aller libéral mais elle démontre aussi que l’Europe, quand elle parle d’une seule voix, peut faire entendre cette voix dans le monde.

Et la voix de l’Europe pourrait être plus audible encore si nous choisissions résolument le surplomb de la politique sur l’économie et la finance et non l’inverse. J’ai compris que c’était aujourd’hui la position du Parti Socialiste qui soutient un plan européen pour stimuler l’investissement privé et financer des infrastructures publiques. Nous voilà certes loin de l’Acte Unique adopté par une majorité de gouvernements socialistes…et plus près des solutions du keynésianisme classique mais, une fois de plus, les radicaux pensent que c’est le bon chemin.

J’irai cependant plus loin. Puisqu’il faut –nous en sommes tous d’accord- réhabiliter la politique, pourquoi nous priver de ses moyens par excellence et notamment du levier budgétaire ? Une politique économique n’est pas seulement une stricte gestion de l’orthodoxie monétaire et la crise actuelle nous montre la vanité d’une telle conception quand elle s’érige en finalité.

Le volontarisme c’est aussi de mobiliser les instruments financiers communautaires en faveur de l’investissement productif et de l’emploi. C’est de ne pas renoncer à un déficit budgétaire européen qui doperait nos exportations tout en nous permettant de financer nos aides à l’investissement et nos grands travaux d’intérêt général. Nos alliés américains se gênent-ils pour nous faire payer par le pouvoir d’arbitrage de leur monnaie le déficit de la Réserve Fédérale ?

Ceci m’amène pour conclure à la question décisive d’un nouvel ordre international. Le système de Bretton-Woods a vécu ; il vient d’exploser sous
nos yeux. Fondé sur la suprématie militaire et économique d’une seule puissance, il est tout à fait inadapté à un monde multipolaire où il faudra faire leur place aux pays émergents, discipliner les fonds d’investissement, qu’ils soient privés ou souverains, taxer les mouvements financiers spéculatifs totalement déconnectés de l’effort productif des vrais travailleurs, entrepreneurs ou salariés, enfin et surtout proposer à deux milliards et demi d’hommes vivant sous le seuil de pauvreté et à plus de neuf cent millions d’humains aujourd’hui frappés par la famine autre chose que les potions mortifères du FMI ancienne manière.

Dans ce nouvel ordre à bâtir sur des fondements de justice et de progrès, les accords de Marrakech, caducs à l’instant même de leur signature, ne sont en somme qu’une conséquence : nous ne pouvons plus tolérer un commerce international faisant fi de l’environnement, de la justice sociale et des Droits de l’Homme !

Allons, mes chers amis, la gauche a encore beaucoup à dire à nos concitoyens, et la France a encore une voix singulière à faire entendre en Europe et dans le monde à la condition de ne pas renoncer à l’essentiel de nous-mêmes. Etre de gauche, c’est plus que jamais préférer le mouvement à l’ordre injuste, c’est faire de l’Homme la mesure et la finalité de toute notre action politique. Le moment est venu de prouver que ces mots ne sont pas vains.

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