lundi 8 septembre 2008

le président a peur (1)



L'université d'été du parti radical de gauche aura été marquée par un ancrage à gauche net du parti. On peut s'en rassurer ou on peut le regretter. En fait, l'ancrage à gauche se traduit tout naturellement par un rapprochement avec le parti socialiste ... mais pour l'instant, le parti socialiste, personne ne sait ce que c'est. Espérons que le débat sera éclairci dans quelques mois.


Pour ce qui est d'un rapprochement avec les radicaux valoisiens... disons que je n'y ai jamais cru sur le plan politique, ce qui n'empêche pas un travail philosophique commun. Le problème c'est que la politique valoisienne semble être déterminée par Sarkozy...


Bon, on verra ça plus tard. C'est un peu dommage que le parti radical de gauche n'ait pas pris le parti d'une démarche clairement européenne en prévision du scrutin de 2009.


Cela n'empêche qu'il y a eu de bons moments à l'université d'été ... parmi lesquels le discours de Jean Michel Baylet qui nous a fait un grand numéro d'orateur.


Le café radical ne vous retransmet pas le discours intégral, et déjà les extraits sont plutôt longs ... sauf que c'est un discours profond, bien écrit et traitant des points les plus déterminants de notre actualité nationale et surtout internationale.


Le discours a revêtu une gravité inédite.


Ci-dessous, un premier extrait, le plus léger...


Université d’été du PRGRamatuelle – 5, 6 et 7 septembre 2008Intervention de Jean-Michel BAYLET Président du Parti Radical de Gauche




Mes chers amis, Depuis notre Congrès pourtant récent des 17 et 18 mai sont advenus des faits politiques nouveaux et importants…


Le 21 juillet, le Congrès du Parlement a adopté une réforme constitutionnelle essentielle et le rôle des radicaux a été décisif. Le 18 août, en Afghanistan, la mort de 10 soldats français dans une embuscade est venue rappeler aux esprits angéliques que l’Histoire n’était ni gentille ni morale mais violente et tragique, rappeler aussi aux naïfs que la paix et le droit ont un prix dont les démocraties doivent savoir si elles sont prêtes à le payer.
…Je veux être, fort de la confiance réitérée au Congrès et dont je vous remercie une fois de plus, à la tête d’un parti en ordre de marche et même en ordre de bataille. Car il s’agit bien des futures batailles politiques que nous devrons remporter. Avant la présidentielle et les législatives de 2012, échéances décisives que je ne me résigne pas par avance à perdre pour la troisième fois consécutive, chaque année sera marquée par un rendez-vous électoral que j’attends, à chaque fois, avec un succès d’étape : européennes, régionales, cantonales, devront être de nouvelles occasions de progresser.


Ceci m’amène naturellement à revenir sur la question du rôle décisif des radicaux de gauche dans l’adoption le 21 juillet dernier de la loi constitutionnelle qui a enfin fait progresser, certes insuffisamment,nos institutions vers un meilleur équilibre. Je veux y revenir pour rappeler la position de fond des radicaux sur la Constitution de la Ve République, pour en finir aussi avec les rumeurs simplistes sur la position que nous avons prise, mais surtout pour dire,s’agissant de l’avenir, que nous continuerons sur les sujets essentiels à travailler comme nos parlementaires l’ont fait au Congrès de Versailles : personne ne sera autorisé, à des motifs tactiques, partisans ou micro-politiques, à exiger des radicaux qu’ils abdiquent leurs convictions. Personne ! Nous ne devons de compte qu’à nos militants et à nos électeurs.


Et nous n’avons de devoirs qu’à l’égard de l’intérêt général. Concernant la Constitution de 1958, notre position n’a jamais varié. Quand la SFIO appelait à l’approuver par référendum, elles étaient bien rares les grandes voix de la gauche non-communiste qui s’opposaient à ce système inspiré par le césarisme gaullien : Pierre Mendès-France, Maurice Bourgès-Maunoury, Jean Baylet (permettez-moi d’en être fier), qui avaient un compagnon de route alors bien isolé : François Mitterrand. De la même façon, les radicaux ont condamné la réforme de 1962 et surtout la violence du mécanisme de bipolarisation mis en place avec le deuxième tour de l’élection présidentielle.


Ils considéraient, à juste titre, que ce manichéisme organisé ne correspondait pas au génie politique français qui est fait de nuances, de pluralisme et de contradictions assumées. Ils avaient parfaitement raison puisque le nouveau système allait faire passer la frontière du monde bipolaire exactement au milieu du parti radical qui résumait précisément ce génie politique national complexe. La dernière réforme constitutionnelle significative –celle du quinquennat accompagnée de l’inversion du calendrier consacrant la prééminence de l’élection présidentielle– a reçu notre assentiment, tenus que nous étions alors par la solidarité gouvernementale de la gauche plurielle et par les choix stratégiques du Premier Ministre.


Avons-nous eu raison d’y consentir ? Franchement, je ne le crois pas, je ne le crois plus. Et, dans tous les cas, la suite a démontré que l’option stratégique de Lionel Jospin était la plus mauvaise. Et dans la pratique d’une Constitution surévaluant l’exécutif, étouffant le Parlement et limitant les droits des citoyens, nous est arrivée, comme l’espérance d’une respiration démocratique, le projet d’une réforme institutionnelle qui, sans bien sûr satisfaire notre exigence constante d’une VIe République enfin républicaine, apportait des améliorations très importantes et que nous réclamions depuis cinquante ans : la maîtrise au moins partielle de son ordre du jour par le Parlement, le renforcement de ses pouvoirs en matière de contrôle de l’action gouvernementale, de mesure de l’impact législatif, d’information sur les nominations publiques ou encore –j’y reviendrai– d’autorisation des choix opérationnels de défense ; et au profit des citoyens, l’exception d’inconstitutionnalité, le droit d’initiative législative, l’indépendance effective du Conseil Supérieur de la Magistrature, l’institution du Défenseur des droits, etc. Bref, on nous proposait des réformes que nous voulions et que nous attendions. Fallait-il, au prétexte d’une opposition systématique, dire non à ce que nous avions espéré ? Nous avons approuvé le processus de travail pluraliste de la commission dite Balladur et, dans ses grandes lignes, le rapport de la commission. Nous avons salué, tout en déplorant ses insuffisances, le projet de loi qui en reprenait l’essentiel. Et vous avez, en Congrès, approuvé le principe même de cette réforme. Dans la continuité inaltérée de leur pensée politique, les radicaux avaient dit clairement qu’ils étaient majoritairement favorables à cette réforme.
On nous a cependant enjoint de la refuser. Qui venait donc ainsi nous donner des ordres ?


LES MENACES DU PS


Et bien, comme souvent, trop souvent, nos amis et alliés socialistes, avec comme porte-voix les plus visibles ceux-là même qui avaient dit quelques semaines plus tôt qu’ils y étaient favorables eux aussi. Leurs motifs ? Leurs prétextes ? Un faux motif : la réforme n’était pas parfaite (et certes elle ne l’était pas, notamment pour le système électoral du Sénat) mais faut-il attendre la perfection dans un confort négatif consistant à refuser toutes les améliorations ? A-t-on déjà vu des parlementaires refusant le renforcement des prérogatives du Parlement ? A-t-on déjà vu des législateurs voter contre les amendements qu’ils ont proposés et obtenus ? Le deuxième motif n’était guère plus crédible : il s’agissait de s’opposer et d’empêcher, par un vote arc-bouté, un succès du Président de la République initiateur de la réforme. Peut-on croire à cet argument ? C’est au contraire, comme l’ont souligné dès le lendemain du vote auquel ils ont été contraints quelques députés socialistes victimes du caporalisme, l’erreur stratégique du parti socialiste qui a transformé un travail législatif d’intérêt national en victoire politique relative de Nicolas Sarkozy. Et l’erreur, elle était dans le véritable motif de nos amis et partenaires, je veux dire dans la préparation de leur congrès qui les condamnait, du moins dans leur logique interne, à des surenchères oppositionnelles mortifères. Combien faudra-t-il encore perdre d’élections présidentielles pour mieux gagner le congrès socialiste ?




Je crois, pour ma part, que la crédibilité d’un parti plus divisé que jamais aurait été améliorée aux yeux des Français s’ils avaient pu constater que, sur un sujet d’intérêt national supérieur, les socialistes savaient oublier un instant leurs querelles intestines pour s’intéresser au bien public. Dans le document d’orientation que nous avons proposé au Congrès, j’avais mis en garde, en citant Sun-Tsé, contre le sens stratégique de Sarkozy : « le bon général saura disposer les troupes, non seulement les siennes mais aussi celles de l’ennemi ». C’est exactement ce qui est arrivé au parti socialiste le 21 juillet.Et ce jour-là, avec une loi constitutionnelle adoptée par deux voix de majorité, c’est bien le courage des parlementaires radicaux qui a permis le succès de cette réforme. J’en suis fier et je veux féliciter nos députés et nos sénateurs d’avoir manifesté ce courage et cette liberté et d’avoir préalablement beaucoup travaillé par leurs amendements à l’amélioration effective du texte qui leur était présenté. ..


Mais que n’avons-nous pas entendu de la part de nos alliés socialistes en particulier !


Des attaques ridicules


Les radicaux auraient échangé leur vote (pourtant clairement annoncé et donc tout aussi évidemment non marchandé) contre la promesse d’un abaissement des seuils de constitution de groupes indépendants dans les deux assemblées… Cette imputation est stupide puisque nous n’avons jamais cessé de demander cet abaissement que les dispositions nouvelles de la Constitution sur le respect du pluralisme politique nous autorisent à espérer mais qui nous est cependant encore refusé. Nous avons entendu aussi que le vote radical aurait été troqué contre la nomination de Jean-François Hory au Conseil d’Etat. Si elle est également stupide –voilà plusieurs années que je demande à différents gouvernements de lui allouer la place qu’il mérite– cette allégation est en outre insultante. Elle l’est pour Jean-François qui ne serait donc capable de devenir Conseiller d’Etat qu’à la faveur d’un tel marchandage. Elle l’est aussi pour moi qui, non content de marchander, le ferais tellement mal que j’échangerais un vote capital pour l’ensemble du pays contre une simple nomination si prestigieuse qu’elle soit. Elle l’est plus encore pour la liberté de conscience des élus radicaux qui n’ont pas l’habitude de se laisser dicter leurs convictions, fût-ce par leur Président, et qui ont encore démontré leur indépendance puisque, sur 17 parlementaires, trois se sont prononcés contre la réforme tandis qu’un quatrième s’abstenait, ce que pour ma part je respecte absolument. Pas de dictature, pas de menaces, pas de pressions, pas de ce fameux caporalisme au Parti Radical de Gauche ! Pas de ça chez nous. Mais, quand on y pense, c’est pour notre parti et pour tous ses militants que cette rumeur était la plus insultante. Quand Nicolas Sarkozy organise la promotion de Dominique Strauss-Kahn à la tête du F.M.I., tout le monde socialiste applaudit. Et notre parti devrait être le seul à n’être pas représenté dans l’un des grands corps de l’Etat, à ne plus être présent au Conseil économique et social, à n’avoir aucun des siens dans ces inspections générales prestigieuses ou ces présidences publiques importantes, dans aucun de ces lieux où, avant la récente réforme constitutionnelle, le pouvoir exécutif nommait de façon discrétionnaire, et où il oubliait toujours les radicaux même quand il était exercé par nos amis de gauche ? Allons, qu’on en finisse avec ce procès ! Nous n’avons rien échangé ni marchandé. Nous avons fait ce que l’intérêt supérieur du pays et notre conscience nous commandaient. Et nous l’avons bien fait !Nous avons aussi beaucoup entendu, après le vote de nos parlementaires, qu’il y aurait des suites.


Les seconds couteaux parlaient de « représailles ». Les premières épées parlaient de « clarification ». Nous avons ignoré les menaces de représailles même si nous sentons ici et là (je l’ai dit pour la Haute-Garonne) certains de nos alliés tentés de les mettre à exécution. Et j’ai indiqué à François Hollande, encore premier secrétaire socialiste, que la position des radicaux était parfaitement claire, que nous avions une histoire commune avec le PS, que nous n’étions pas tentés par une quelconque dérive droitière, que, tout compté, il y avait plus de socialistes que de radicaux au gouvernement de M. Sarkozy, mais que notre proximité ancienne et nos combats passés n’étaient pas une obligation pour l’avenir si les socialistes ne se décidaient pas à rééquilibrer un partenariat que nous ne regardons pas, pour notre part, comme une fatalité. En pensant au élections européennes prochaines, avec en mémoire le dédain qu’on nous avait opposé en 2004, je lui ai confirmé que nous envisagions toujours de faire aventure commune avec son parti mais que,si nous ne trouvions pas notre compte dans une alliance rééquilibrée, nul n’aurait le droit de nous empêcher d’être présents, d’une façon ou d’une autre, dans ce scrutin où nous avons à porter le message singulier du fédéralisme européen. Je crois que mon propos a été bien compris.


Nous sommes à gauche


Il a été tenu tout récemment en marge d’un sommet de la gauche. Je rassure donc ceux qui ne nous situeraient pas exactement ou qui feignent de ne pas voir où nous sommes. Nous sommes à gauche. La gauche va se réunir encore et nous participerons à ces réunions au moins chaque fois que les partis de gauche voudront sincèrement et raisonnablement parler des intérêts du pays, d’une mobilisation efficace contre la politique d’une droite décomplexée, et des modalités de notre rassemblement à un terme visible et selon des procédures équitables.




Contre la privatisation de la Poste




Je ne vous parlerai pas plus longtemps aujourd'hui de cette stratégie du rassemblement à gauche pour une raison d’évidence : nous sommes dans la période d’expectative qu’institue le pré-congrès socialiste puisque les socialistes qui portent la responsabilité de ce rassemblement, sont pour l’heure occupés à se compter et à se diviser. Nous ne manquerons pas pour autant la moindre occasion de marquer notre ferme opposition à une politique ultra-libérale qui creuse les inégalités, qui sanctionne les différences ou les divergences (d’opinions, d’origines, de cultures), qui détruit les solidarités en s’attaquant aux services publics, en premier lieu à celui de l’Education Nationale, qui encourage les riches à s’enrichir et force les pauvres à y consentir, qui aligne notre pays sur l’impérialisme américain ou qui ruine notre crédit par des rodomontades diplomatiques. J’ai, par exemple, obtenu du dernier sommet de la gauche qu’il adopte une position commune de franche hostilité à la privatisation de La Poste. La proposition radicale a été adoptée et va devenir une pétition nationale que je vous invite tous à signer et à faire signer pour montrer dans un cas précis et concret que nous refusons le démantèlement des grands services publics qui garantissent l’égalité entre les citoyens et les territoires.


LE RSA


Pour être ferme, l’opposition des radicaux n’est pas systématique et je veux prendre un autre exemple précis, celui du revenu de solidarité active, le R.S.A. que j’ai, c’est vrai, refusé d’expérimenter dans mon département mais dont je dois reconnaître aujourd’hui qu’il peut constituer, comme l’a très bien écrit Paul Giaccobi dans « Le Figaro » de vendredi, une solution même imparfaite au piège de ce qu’il a appelé« trappe à pauvreté », trappe où le RMI enferme ses bénéficiaires en les privant de la dignité qui s’attache à une activité librement choisie. Il faudra bien un jour faire le bilan de ces dispositifs présentés comme des palliatifs au chômage mais qui enferment les allocataires dans l’inactivité et la dévalorisation personnelle. Nous devons sans doute–et j’en parlerai avec nos parlementaires et avec nos instances politiques– faire des propositions quant au financement du R.S.A. Le faire reposer sur les revenus financiers n’est pas une idée malsaine mais ce mécanisme deviendrait vraiment paradoxal s’il frappait l’épargne populaire tout en épargnant les privilégiés protégés par le trop fameux « bouclier fiscal ».Il y a là un beau chantier pour une opposition responsable qui viendrait à se souvenir de surcroît que, voici moins d’un an et demi, elle soutenait Ségolène Royal qui avait inscrit le R.S.A. à son programme. On peut, pour mieux camper le rôle de l’opposant, faire semblant de l’oublier mais ce n’est pas de cette façon que la gauche retrouvera sa crédibilité aux yeux des Français.


Vous l’avez bien compris : les radicaux sont dans l’opposition mais ils s’inscrivent délibérément dans la perspective d’un retour de la gauche au pouvoir, ce qui suppose sa réhabilitation dans l’opinion comme une alternative d’espérance et de raison, non comme un réservoir de gestionnaires locaux adoubés lors des scrutins intermédiaires mais jugés incapables, par leurs propres supporters, de jouer en première division. En somme, être opposant, ce n’est pas s’opposer sur n’importe quoi, n’importe quand et n’importe comment. Je l’ai dit tout à l’heure, les institutions ne me paraissent pas devoir faire l’objet de querelles partisanes car il s’agit de la loi fondamentale, de la règle du jeu entre pouvoirs clairement séparés et démocratiquement équilibrés, mais aussi de la protection que la nation doit à tous les citoyens contre les éventuels excès de ces pouvoirs institués, excès dont la tentation est dans leur nature même, comme l’écrivait parfaitement Alain.


Il me semble que deux autres domaines doivent impérativement échapper à la polémique pour les mêmes motifs d’intérêt supérieur ; il s’agit de la défense et de la diplomatie qui portent parfois des enjeux vitaux pour notre pays ou même pour la démocratie. ...




Et voilà, à demain pour la suite...

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